Ce qui suit est un assortiment de citations tirées de publications de la Tendance bolchévique internationale (TBI — y compris la Tendance externe de la TSI, prédécesseur de la TBI) et de la Ligue communiste internationale (LCI — y compris la Tendance spartaciste internationale, prédécesseur de la LCI) qui mettent l’accent sur les divergences entre les deux organisations sur des questions touchant le stalinisme et la défense des États ouvriers déformés et dégénéré. Le texte intégral de plusieurs de ces articles se trouve sur notre site Web, www.bolshevik.org.
Dans une polémique antérieure contre ce qui était alors la Tendance externe, nous avions fait remarquer : « Si l’ET était plus honnête, elle reconnaîtrait avoir eu en horreur dès le début, notre appel au salut à l’Armée rouge soviétique en Afghanistan » (voir « La «Tendance externe» : De choux à la crème à l’intoxication alimentaire », WV n° 349, 2 mars 1984). Quatre ans plus tard, ils ont enfin renoncé à et condamné notre appel, « Salut à l’Armée rouge en Afghanistan ! » soutenant que ce n’était « pas un slogan trotskyste, parce que ce qu’il apprend aux travailleurs c’est de se fier aux staliniens, de saluer les staliniens ».
Au contraire, notre appel au salut de l’intervention de
l’Armée soviétique était basé sur la reconnaissance que,
quelles que soient les intentions des bureaucrates vénaux au Kremlin, cette action
militaire offrait la possibilité d’étendre les acquis de la
révolution d’Octobre en Afghanistan. Beaucoup de soldats soviétiques
se voyaient remplir leur devoir internationaliste en se battant pour la défaite des
forces de la réaction islamique financées par l’impérialisme.
Mais l’accomplissement de cet internationalisme exigeait, comme nous l’avons
indiqué, une révolution politique pour chasser les staliniens du Kremlin
ainsi qu’un retour au programme internationaliste révolutionnaire du Parti
bolchévique de Lénine et Trotsky.
— « La Tendance bolchévique
internationale — Qu’est-ce que c’est ? »
Le problème avec le slogan « Salut à l’Armée rouge en Afghanistan » c’est qu’il ne fait pas la distinction entre soutien politique et militaire. L’Armée soviétique (qui n’est plus officiellement appelée « Armée rouge » depuis 1946) est la branche militaire de la bureaucratie du Kremlin. La politique de l’armée est celle de la bureaucratie. Son rôle est donc contradictoire, comme la bureaucratie elle-même. Dans la mesure où l’armée russe défend l’Union soviétique contre l’impérialisme (sa raison, en fait, pour entrer en Afghanistan) nous nous positionnons de son côté militairement. Si, dans les zones sous son contrôle, elle balaye des structures sociales oppressives et les remplace par la propriété collectivisée (ce qui était indubitablement une possibilité de l’intervention russe), nous soutiendrons de telles mesures. Mais soutenir l’Armée soviétique sans critique (c’est-à-dire la « saluer ») nous obligerait à présenter des excuses pour les staliniens lorsqu’ils s’accommodent du statu quo social ou entreprennent une retraite poltronne. Et, sans surprise, voilà exactement ce qu’ils ont fait en Afghanistan.
…la SL a présenté cette formulation sciemment anguleuse face à une vague d’antisoviétisme qui déferlait sur les États-Unis. Bien que dérivé d’un instinct louable, c’est indéniable que, pris littéralement et en soi, le slogan équivaut à une approbation politique totale du rôle soviétique en Afghanistan.
· · ·
…L’appel à la « Victoire militaire à
l’Armée soviétique » a correspondu à la situation
concrète en Afghanistan parce qu’il nous a placé
catégoriquement du côté soviétique sans assumer aucune
responsabilité des trahisons staliniennes.
— 1917 n° 5
Dès son origine, la BT a affirmé partager
beaucoup de nos positions. Par exemple, eux aussi ont réclamé
« Halte à la contre-révolution de Solidarnosc en
Pologne ! » Mais lorsque la question d’arrêter Solidarnosc se
posa de façon urgente, ils sont devenus fous face à notre déclaration
qui stipulait que si les staliniens du Kremlin intervenaient militairement, de leur
manière nécessairement stupide et brutale, nous les appuierions et
prendrions à l’avance la responsabilité de toute idiotie et
atrocité qu’ils pourraient commettre. La position trotskyste de la
défense inconditionnelle des États ouvriers déformés et
dégénéré signifie précisément cela,
c’est-à-dire aucune condition. Pour la BT, ceci n’a été
que la preuve supplémentaire de notre prétendue
« stalinophilie ».
— « La Tendance bolchévique internationale —
Qu’est-ce que c’est ? »
Ce paragraphe est un travestissement stalinophile de la position trotskyste de défense militaire inconditionnelle des États ouvriers bureaucratisés. Comme nous l’avons fait remarquer dans ETB [Bulletin de la Tendance externe de la TSI] n° 1 :
« Les trotskystes donnent sans condition un soutien militaire aux régimes staliniens combattant la contre-révolution interne (par exemple, Solidarnosc) ou des forces capitalistes externes (par exemple, la Finlande en 1940). Ceci est totalement différent d’un soutien politique aux staliniens. Nous ne prenons aucune responsabilité des crimes des staliniens contre les travailleurs — que ce soit au cours d’une défense militaire des formes de propriété prolétariennes ou non. Le soutien militaire est donné en dépit de tels crimes. »
L’empressement de la SL à « prendre à l’avance la responsabilité de toute idiotie et atrocité qu’ils [les staliniens] pourraient commettre » est parfaitement à l’inverse de la position avancée par Léon Trotsky dans le cadre la défense de l’URSS contre l’Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale :
« Tandis que les armes à la main, ils porteront des coups à Hitler, les bolchéviques-léninistes mèneront en même temps une propagande révolutionnaire contre Staline, afin de préparer son renversement à l’étape suivante et peut-être même prochaine.
« Ce type de “défense de l’U.R.S.S.” différera naturellement comme le ciel et la terre de la défense officielle qui se mène aujourd’hui sous le mot d’ordre “pour la patrie! Pour Staline”. Notre défense de l’U.R.S.S. se mène sous le mot d’ordre “Pour le socialisme! Pour la révolution mondiale! Contre Staline!” »
— Défense du marxisme (emphase dans l’originel)
Le slogan « Contre Staline ! » signifiait que plutôt
que de « prendre la responsabilité » des crimes anti-ouvriers
des bureaucrates, la Quatrième Internationale s’est opposée aux
atrocités commises par Staline et la caste qu’il représentait.
— Trotskyist Bulletin n° 5
Si le gouvernement de l’Union soviétique savait que
l’avion pénétrant sans autorisation [le vol numéro 007 Korean
Airlines] était effectivement un avion de ligne commercial contenant 200 civils
innocents ou plus, malgré l’atteinte militaire potentielle d’une telle
mission d’espionnage, s’ils ont détruit
délibérément l’avion et ses passagers, alors, pour paraphraser
les Français, sa destruction aurait été pire qu’une
atrocité barbare…
— Workers Vanguard n° 337, 9 septembre 1983
Le premier article dans Workers Vanguard sur la destruction par
les Soviétiques de l’avion espion vol numéro 007 sud-coréen
(WV n° 337, 9 septembre 1983) donnait un exemple parfait d’une
capitulation sur la question russe. Si les Soviétiques savaient qu’il y avait
plus de 200 passagers innocents à bord, abattre l’avion « aurait
été pire qu’une atrocité barbare » quelle que soit
« l’atteinte militaire potentielle d’une telle mission
d’espionnage ». Les trotskystes ne sont pas d’accord. Nous
affirmons que la défense de l’Union soviétique implique la
défense de l’espace aérien soviétique. La mort de passagers
innocents est certes regrettable, mais la seule « atrocité
barbare » commise est celle des maîtres-espions sud-coréens et
américains qui se sont servis de ces passagers malchanceux comme otages
involontaires.
— ET Bulletin n° 2, janvier 1984 (réimprimé en
Trotskyist Bulletin n° 1)
Il a cherché à modérer les pires excès de la bureaucratie.
Il a cherché à augmenter la productivité des masses soviétiques.
Il n’a commis aucune trahison ouverte pour le compte de l’impérialisme.
Il n’a pas été un ami de la liberté.
— In Memoriam pour Andropov, Workers Vanguard n° 348,
17 février 1984
Le manque de « trahison ouverte pour le compte de
l’impérialisme » de la part d’Andropov peut être
correctement attribué à la courte durée de son investiture. Il
n’a certainement pas envoyé davantage de MiG au Nicaragua ou d’AK-47
aux gauchistes salvadoriens que son prédécesseur. Il a effectivement voulu
augmenter la productivité — quel exploit ! cela vaut aussi pour Staline,
Khrouchtchev et Brejnev. (En tout cas, il faut que les trotskystes évaluent
sceptiquement les projets de productivité conçus par la bureaucratie
puisqu’ils ont en général un caractère anti-ouvrier. Trotsky
n’était pas un partisan du stakhanovisme !) Tout bureaucrate haut
placé à peu près raisonnable s’intéressera à la
modération des « pires excès de la bureaucratie » afin
d’accentuer l’efficacité, la sécurité et la
stabilité du régime qu’il dirige. Votre petite homélie à
Andropov met l’accent sur ses intentions subjectives plutôt que sur
l’inévitabilité objective, et même la nécessité,
de la corruption et de l’inefficacité dans le cadre d’une
économie planifiée dirigée par des décrets bureaucratiques et
une police secrète.
— Réponse au camarade Samuels, 22 avril 1984, ET Bulletin n° 3,
mai 1984 (réimprimée dans Trotskyist Bulletin n° 1)
Votre comparaison d’Andropov à Staline et
Béria, les auteurs du massacre de dizaines de milliers de communistes et
d’officiers de l’Armée rouge, est un amalgame obscène digne des
pages de Commentary. La carrière politique d’Andropov se
déroula dans une période plus calme en URSS. Le tenir pour responsable
personnel des crimes de masse psychopathologiques de Staline reflète la
méthodologie qui qualifie la bureaucratie de masse homogène
réactionnaire de bout en bout — c’est à dire une nouvelle classe
exploiteuse.
— Lettre de Reuben Samuels à la Tendance externe, 3 janvier 1984,
Workers Vanguard n° 348, 17 février 1984 (réimprimée dans
Trotskyist Bulletin n° 1)
L’essentiel de votre argument repose sur l’affirmation
profondément révisionniste qu’il soit
« obscène » de comparer Iouri Andropov à Joseph
Staline. Ce serait, dites vous, digne de Commentary. Votre position exprime donc
que: (a) Andropov soit d’une façon ou d’une autre plus proche du
léninisme que son prédécesseur, et/ou qu’ (b) il soit moins
représentatif de la caste bureaucratique qui a étranglé le
règne politique de la classe ouvrière dans l’Union soviétique,
et/ou que (c) la caste qu’il représente se soit de quelque manière
fondamentale transformée depuis l’époque de Staline. Toutes ces
positions auraient leur place dans la Pravda ou le Daily World, mais
certainement pas dans un journal se réclamant trotskyste.
— Réponse au camarade Samuels, 22 avril 1984, ET Bulletin n° 3,
mai 1984 (réimprimée dans Trotskyist Bulletin n° 1)
Le trotskysme nous apporte une vision du monde cohérente
reflétant le caractère contradictoire de la bureaucratie stalinienne. Votre
assertion voulant que « sur un plan général, Andropov et les
bureaucrates qu’il représente sont antithétiques à tout ce pour
quoi Trotsky s’est battu », est à la fois non-dialectique et
très éloignée du trotskysme.
— Lettre de Reuben Samuels à la Tendance externe, 3 janvier 1984,
Workers Vanguard n° 348, 17 février 1984 (réimprimée dans
Trotskyist Bulletin n° 1)
Pour Trotsky, et contrairement à vos propos, l’axe de la
contradiction dialectique dans la société soviétique n’est pas
au sein de la bureaucratie (un Andropov énergique contre un Brejnev
endormi), mais entre l’oligarchie bonapartiste et la structure sociale de laquelle
dérive son existence parasitaire. Voilà ce qui caractérise
l’orientation trotskyste sur le rapport entre la défense de l’Union
soviétique et le renversement de la bureaucratie stalinienne. Le devoir de chaque
révolutionnaire est de défendre l’Union soviétique
malgré le règne de Iouri Andropov et de sa caste — et surtout
pas en son nom !
— Réponse au camarade Samuels, 22 avril 1984, ET Bulletin n° 3,
mai 1984 (réimprimée dans Trotskyist Bulletin n° 1)
Ce que nous ressentons pour ces astronautes est identique à
la douleur vécue pour n’importe qui meurt dans des circonstances tragiques,
tels les neuf pauvres salvadoriens tués par un incendie dans un appartement en
sous-sol de Washington deux jours auparavant.
— Workers Vanguard, 14 février 1986
Selon les reportages lus dans la presse, il n’y a aucun doute
que ces « neuf pauvres salvadoriens » étaient des
réfugiés, victimes de la misère économique (et très
probablement aussi des escadrons de la mort) de leur pays d’origine.
L’affirmation de WV comme quoi il ne ressent pas plus de compassion pour ces
individus que pour une poignée de reaganautes ayant péri au cours
d’une tentative de fournir à l’impérialisme US la
capacité de première attaque contre l’Union soviétique
démontre que la Spartacist League ex-trotskyste n’est plus capable de
reconnaître la ligne de classe.
— 1917 n° 2, été 1986
Ceux qui sont morts [à bord de Challenger] furent des
victimes de la campagne de guerre antisoviétique de l’impérialisme US,
comme les 200 Marines tués à Beyrouth ou encore les passagers de
l’avion espion KAL 007.
— Workers Vanguard, 14 février 1986
On a là une tentative d’amalgamer trois situations très différentes par un petit tour de passe-passe politique.
Les passagers du vol KAL 007 furent bel et bien des victimes innocentes. A la différence des « spécialistes de mission » à bord de Challenger, ils furent envoyés à la mort sur un vol espion délibérément provocateur visant à déclencher le réseau de défense anti-aérienne soviétique. Malgré sa prétention à défendre l’URSS, au moment crucial la Spartacist League a flanché…
Le corollaire de la capitulation sur la question russe c’est le
social-patriotisme. Les 200 Marines qui périrent en 1983 dans un attentat à
la bombe contre une caserne à Beyrouth étaient des tueurs à gages
impérialistes établissant une tête de pont pour une présence de
l’armée US en Moyen-Orient. Les révolutionnaires s’opposent sans
condition à l’intervention impérialiste partout dans le
« tiers-monde » et appellent à l’expulsion de tels
gendarmes colonialistes par tous les moyens nécessaires. Ce n’est pas le cas
de la Spartacist League, qui, suite de la destruction de la caserne, a revendiqué
le sauvetage des rescapés !
— 1917 n° 2, été 1986
La fausse identification du stalinisme au bolchévisme
fournit à Staline des agents politiques zélés dans le monde
entier ; seul Staline et peut-être une demi-douzaine de proches
(remplacés avec le temps) connaissaient la vérité.
— « Lancement de la Ligue communiste internationale »,
Workers Vanguard n° 479, 9 juin 1989
Il est désormais impossible qu’un Staline et une demi-douzaine de
complices conscients puissent se servir de partis « monolithiques »
comme instruments pour la trahison collaborationniste de classes au nom de « la
construction du socialisme ».
— idem
Comme la bureaucratie syndicale dans la société bourgeoise, l’idéologie de l’oligarchie soviétique a une base matérielle dans son désir de protéger sa position sociale privilégiée. Trotsky a estimé, dans un article du 13 janvier 1938, « que la bureaucratie dévore pas moins de la moitié du fonds de la consomption nationale ». Il a déclaré que « les grands aristocrates, la couche la plus élevée de la bureaucratie, vivent comme des millionnaires américains » (emphase ajoutée). Quand il parlait de la couche la plus élevée de la bureaucratie, manifestement il ne faisait pas allusion à la coterie personnelle de Staline. En juin 1937, Trotsky observait :
« Même du point de vue de la seule “vengeance”, les attentats terroristes ne peuvent offrir aucune satisfaction. Qu’est-ce que la perte d’une douzaine de bureaucrates haut placés à côté du nombre et l’étendue des crimes commis par la bureaucratie ? »
Trotsky n’a jamais imaginé un seul instant que les erratiques zigzags politiques de la bureaucratie stalinienne, ses crimes et trahisons, étaient déterminés à l’avance suivant quelque dessein connu seulement par « Staline et sa demi-douzaine de complices conscients ». La récente « découverte » par la SL, qui voudrait que, excepté un cénacle de staliniens « conscients », le reste de la caste bureaucratique, ainsi que leurs agents internationaux, ne furent que des otages ou des pions involontaires, a plus en commun avec la dénonciation auto-amnistiante faite par Khrouchtchev du « culte de la personnalité » de Staline qu’avec l’analyse matérialiste par Trotsky de la bureaucratie soviétique.
Dans un sens historique, aucun des bureaucrates conservateurs et carriéristes, y compris Staline, n’a été tout à fait conscient de ce qu’ils faisaient…
Avec l’idiotie criminelle de la « troisième période », la bureaucratie soviétique a facilité involontairement la victoire d’Hitler. De la même façon, les oligarques du Kremlin se sont avérés les alliés les plus précieux des nationalistes pendant la Guerre civile espagnole, même s’ils n’ont pas cherché intentionnellement à donner la victoire à Franco. Les purges meurtrières par Staline du Corps des officiers de l’Armée rouge, et sa confiance irrationnelle dans les promesses d’Hitler, ont préparé la catastrophe militaire de l’été 1941. Mais encore une fois, ceci n’a pas été son intention consciente.
Il est absurde d’inventer qu’excepté une sinistre demi-douzaine de bureaucrates ayant « connaissance de la vérité », les autres pignons de la machine de la terreur bureaucratique ayant exterminé physiquement des dizaines de milliers de révolutionnaires n’étaient que de simples « agents politiques zélés » croyant par erreur être léninistes. Ce n’est pas la position de Trotsky.
Pourquoi donc les spartacistes font-ils soudainement la promotion de cette
notion ? Est-ce une métaphore robertsonienne de la vie au sein de la SL ?
C’est possible, mais cela pourrait avoir un but supplémentaire plus
immédiatement pratique : faire en sorte que des staliniens dissidents puissent
se sentir chez eux dans la LCI.
— 1917 n° 7
Au fond, la position de la TBI a reflété un
défaitisme complet quant à la capacité de la classe ouvrière
soviétique à lutter. Ils ont pris une orientation identique envers la
révolution politique naissante dans l’ancien État ouvrier
déformé est-allemand après l’effondrement du mur de Berlin,
ayant déclaré qu’une révolution politique prolétarienne
n’était pas possible. De ce fait, ils ont dénoncé la LCI pour
avoir grandement et internationalement mobilisé ses ressources afin
d’intervenir avec un programme trotskyste révolutionnaire dans les
évènements ayant eu lieu dans l’ancien État ouvrier
est-allemand en 1989-1990.
— « La Tendance bolchévique internationale —
Qu’est-ce que c’est ? »
La LCI se sert d’une de ses techniques polémiques
préférées : attribuer une position à un rival et
s’attaquer ensuite à cette invention. Nous n’avons jamais dit
qu’une révolution politique prolétarienne était
impossible en DDR ; simplement, au contraire des assertions de la LCI,
qu’elle n’était pas en route. « À la
suite » c’est la LCI, et non nous mêmes, qui a dû ajuster sa
position. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la position
« optimiste » de la LCI à propos de la révolution
politique prolétarienne en DDR est une de celles qu’ils
préféreraient escamoter sans bruit.
— Trotskyist Bulletin n° 5
Avec sa perspective d’une « communauté contractuelle » entre la DDR et la BRD [Allemagne de l’Ouest], le premier ministre Modrow avait déjà fait signe qu’il préparait une capitulation à l’impérialisme ouest-allemand lorsque le nouveau gouvernement fut formé le 17 novembre 1989. Les concessions offertes n’ont pas, cependant, donné à la bureaucratie un répit attendu, mais ont seulement apporté plus de force aux contre-révolutionnaires. La droite a gagné du terrain, alors que la confusion prédominait parmi les travailleurs les plus conscients politiquement se fiant aux staliniens « honnêtes, réformés ». Voilà la raison pour laquelle le régime Modrow s’est montré particulièrement dangereux, et pourquoi il était impératif de mettre en garde les travailleurs contre lui.
· · ·
…La LCI a évité une confrontation aiguë avec le régime Modrow. Craignant l’isolement, elle a jugé une telle confrontation inopportune, puisque toutes les tendances au sein du parti stalinien soutenaient Modrow inconditionnellement. Une telle confrontation aurait compromis la politique d’« unité avec le SED » voulue par la LCI.
Pendant cette période, la LCI ne s’est pas concentrée sur
une attaque contre Modrow en le dénonçant comme un traître que les
travailleurs doivent balayer de la scène pour la défense de la DDR. Ils ont
préféré se limiter à une simple critique de
façade…
— 1917 n° 10
La Trotzkistische Liga Deutschlands et les Spartakist-Gruppen ont
joué un rôle clé dans l’initiative d’une action de front
unique à Treptow. Nos porte-paroles y ont appelé à des milices
ouvrières et à des soviets de travailleurs et soldats pour stopper les nazis
et empêcher que la révolution politique ne soit transformée en
contre-révolution sociale. Nous avons averti que la social-démocratie
était l’agence pour la trahison de la DDR. Nous avons noté que la
lutte pour le règne de soviets ouvriers en DDR pourrait inspirer les travailleurs
dans l’Union soviétique, la cible principale de l’impérialisme,
d’emprunter la même voie.
— Workers Vanguard n° 495, 9
février 1990
Aucune critique de la trajectoire du SED-PDS [le SED, parti dirigeant stalinien de la DDR, a changé de nom en décembre 1989 pour devenir le Parti du socialisme démocratique] traitant de sa capitulation n’a figuré dans l’appel de la TLD à la manifestation, et pas un traître mot n’a dénoncé la prosternation de Modrow devant l’impérialisme BRD et le nationalisme allemand. Pourtant ce sont ces mêmes politiques qui avaient initialement enhardi les nazis dans leurs attaques [de monument aux morts].
Dans son discours à la manifestation de Treptow, la camarade Dalhaus de la TLD/SpAD a dévoilé complètement sa ligne d’ « unité avec le SED » : « Notre [ ! ] économie souffre de gaspillage et d’obsolescence. La dictature de parti unique du SED s’avère incompétente [ ! ] à les combattre » (Arprekor n° 15, 4 janvier 1990). Cette déclaration, ajoutée au fait que « le monopole du SED sur le pouvoir est rompu » est tout ce qui fut rapporté au sujet de la politique des staliniens (idem). Dans le discours de Dahlhaus seul le SED de Honecker, avec lequel les manifestants ne voulaient rien avoir à faire en tout cas, a été mentionné. Mais les véritables illusions dans le SED-PDS « réformé » n’ont pas été attaquées.
· · ·
…Il est utile d’évoquer Treptow une fois de plus. Une invitation au
SPD [sociaux-démocrates] à participer à la manifestation de masse
contre les fascistes était indispensable. Il fallait que les ouvriers rompent avec
le SPD. Une façon d’élever la conscience de classe de la base du SPD
aurait été de défier sa direction de prendre une position
avant que la manifestation ait eu lieu. Lorsque Vogel, Boehme, Meckel et compagnie
[les leaders du SPD] ont initié le tollé bourgeois contre les manifestants
après le 3 janvier, il fallait naturellement défendre la mobilisation
antifasciste contre ces crapules. Le devoir des révolutionnaires était
d’essayer de gagner des travailleurs du SPD et de ses succursales au soutien de
cette défense… La LCI, au contraire, a refusé de tenter
d’entraîner le SPD dans une action unifiée, ce qu’elle a
justifié une semaine plus tard en raison du fait que le SPD n’aurait pas de
« base de masse dans le prolétariat » (Arprekor n°
18, 12 janvier 1990)… La TLD [SpAD] a cherché
délibérément à ne faire participer que le SED
dans la manifestation de Treptow. [Selon les robertsonniens,] les ouvriers du SPD
étaient partie intégrante de la « masse
réactionnaire », et la TLD a même osé citer les
écrits de Trotsky contre le fascisme comme base de cette conception
(Arprekor n° 16, 8 janvier 1990).
— 1917 n° 10
Les travailleurs de l’Union soviétique, et ceux du
monde entier, ont connu un désastre sans précédent dont les
conséquences ravageuses sont à l’œuvre. L’ascension de
Boris Eltsine, qui se vante d’être l’homme de Bush, suite au putsch
bâclé des anciens alliés de Mikhaïl Gorbatchev, a
libéré une marée contre-révolutionnaire qui a
déferlé à travers le pays de la Révolution d’octobre.
—Workers Vanguard n° 533, 30 août 1991
«La bande de huit » non seulement n’a pas mobilisé le prolétariat, mais elle a ordonné à tout le monde de rester au travail.
Cette « bande de huit » était incapable de balayer
Eltsine dans sa tentative pathétique de putsch parce qu’il était un
« putsch de la perestroïka »; les putschistes n’ont pas
voulu libérer les forces qui auraient pu vaincre les contre-révolutionnaires
les plus extrêmes, car ceci aurait pu conduire à une guerre civile si les
eltsiniens avaient vraiment résisté.
—Workers Hammer n° 127,
janvier/février 1992
Le 7 novembre dernier a marqué le 75e anniversaire de la Révolution
bolchévique. Mais l’Etat ouvrier érigé par le pouvoir
bolchévique, de loin la plus grande conquête du prolétariat
international et un gigantesque bond en avant pour l’humanité, n’a pas
survécu à sa 75e année. La période de contre-révolution
ouverte inaugurée par le contre-coup d’Etat procapitaliste de Boris Eltsine
en août 1991 a, en l’absence de résistance ouvrière de masse,
abouti à la création d’un Etat bourgeois, cependant fragile et
réversible.
— Le Bolchévik n° 122,
janvier/février 1993
Les événements d’août 1991 («coup
d’Etat» et «contre-coup d’Etat») semblent avoir joué
un rôle décisif quant à l’évolution en Union
soviétique, mais seuls des gens sous l’emprise de l’idéologie
capitaliste et de ses prébendes pouvaient s’empresser de tirer cette
conclusion à cette époque.
— Idem
Les événements d’août 1991, au cours desquels les éléments ouvertement favorables à la restauration capitaliste ont pris le dessus en l’Union soviétique, ont marqué un tournant dans l’histoire mondiale contemporaine.
— Spartacist n° 27, édition française, été 1993
La TBI essaye de déguiser son défaitisme en août 1991 en
annonçant son soutien militaire aux putschistes staliniens — une position
ridicule puisque les putschistes, aussi voués à la restauration capitaliste
qu’Eltsine, n’allaient pas entreprendre le genre de mobilisation politique et
militaire nécessaire à l’organisation d’une opposition
sérieuse. En tout cas, si la position de la BT comme quoi « c’est
fini » avait été propagée dans l’Union
soviétique à cette époque, elle n’aurait pu que
démoraliser et paralyser toute opposition prolétarienne naissante face
à la prise de pouvoir d’Eltsine.
— « La Tendance bolchévique internationale —
qu’est-ce que c’est ? »
Nous avons choisi un camp en août 1991 — celui des staliniens, contre les eltsiniens. La SL, qui prétendait être le parti de la Révolution russe, n’a soutenu la victoire ni de l’un ni de l’autre — ce qui équivaut à la neutralité. La SL est troublée par cette caractérisation, mais sa logique politique est contenue dans l’assertion que :
« [Le] soutien militaire aux putschistes staliniens [est] une position ridicule puisque les putschistes, aussi voués à la restauration capitaliste qu’Eltsine, n’allaient pas entreprendre le genre de mobilisation politique et militaire nécessaire à l’organisation d’une opposition sérieuse. »
— emphase ajoutée
Toutes les contradictions de la position de la SL figurent dans le passage ci-dessus. Si en effet les ianaïeviens étaient « aussi voués à la restauration capitaliste qu’Eltsine », pourquoi donc les trotskystes devraient-ils se préoccuper de savoir s’ils ont entrepris ou non une mobilisation politique et militaire ? Si les bureaucrates staliniens (y compris les chefs du KGB et de l’armée) avaient été « aussi voués » à la restauration capitaliste que les amis de la CIA rassemblés autour d’Eltsine dans la Maison Blanche russe, alors effectivement rien d’important en terme de lutte n’aurait été en jeu en août 1991. Or, si l’on affirme que Ianaïev et compagnie étaient « aussi voués à la restauration capitaliste » qu’Eltsine, il s’ensuit donc qu’avant le 19 août 1991 la bureaucratie du PCUS s’était transformée en formation contre-révolutionnaire de bout en bout et jusqu’à la moelle.
Si le triomphe d’Eltsine n’a représenté que la victoire
d’une bande de contre-révolutionnaires sur une autre, si avant le 19
août 1991 la contre-révolution sociale avait déjà eu
lieu, alors le putsch et le contre-putsch n’ont été que des
ruées vers le butin. Or une telle position serait en contradiction avec
l’affirmation tout aussi ridicule de la SL qu’Eltsine, le leader historique de
la contre-révolution capitaliste, a présidé un État ouvrier
pendant plus d’un an, jusqu’à ce que, à un moment donné
et non divulgué vers la fin de 1992, Jim Robertson décide
qu’ « il était évident que la classe ouvrière
n’allait pas s’insurger contre Eltsine ». Si le contre-putsch
réussi d’Eltsine a « ouvert les vannes de
contre-révolution », comme WV a proclamé, la SL aurait
dû choisir un camp. (Voir les polémiques abondantes sur cette question en
1917 n° 11 et n° 12 [et 1917, édition française,
n° 1 et n° 2].)
— Trotskyist Bulletin n° 5
Tout est loin d’être perdu pour la classe ouvrière soviétique. Les gouvernements procapitalistes qui se sont hissés au sommet sont encore extrêmement fragiles, et n’ont pas encore consolidé leurs propres appareils d’État répressifs. Le gros de l’économie reste toujours entre les mains de l’État, et les eltsiniens font face à l‘immense tâche de restaurer le capitalisme sans l’appui d’une bourgeoisie indigène. La résistance des travailleurs aux attaques imminentes contre leurs droits et leur bien-être impliquera donc la défense d’éléments importants du statu quo social et économique. Les régimes bourgeois embryonnaires qui se forment aujourd’hui dans l’ex-Union soviétique peuvent être balayés de la scène beaucoup plus facilement que les États capitalistes développés.
Rien de ceci, néanmoins, ne peut changer le fait que les travailleurs seront
maintenant obligés de combattre sur un terrain beaucoup plus désavantageux.
Ils ne se sont pas encore constitués en force politique autonome, et restent
extrêmement désorientés. L’appareil stalinien — qui avait
un intérêt objectif dans le maintien de la propriété
collectivisée — a été brisé. Un autre acte de
résistance de la part des staliniens est peu probable, sachant qu’ils ont
déjà échoué dans une épreuve politique décisive,
et les cadres qui ont tenté de résister sont maintenant en retraite
imposée, en prison ou morts. En bref, l’obstacle majeur organisé face
à la consolidation d’un État bourgeois a été
effectivement effacé. Avant le putsch, une résistance prolétarienne
massive à la privatisation aurait fractionné la bureaucratie stalinienne
ainsi que ses défenseurs armés. Aujourd’hui les travailleurs qui
luttent pour contrer l’offensive restaurationniste font face aux « corps des
hommes armés » dédiés aux objectifs du capital occidental et de
ses alliés internes. Ce pouvoir naissant doit être désarmé et
détruit par les travailleurs.
— « La contre-révolution triomphe en
URSS », déclaration de la TBI de septembre 1991,
réimprimé en 1917 n° 11 (voir 1917, édition
française, n° 1, Défendez
les travailleurs soviétiques contre les attaques dEltsine! La
contre-révolution triomphe en URSS)
La question critique n’est pas de savoir quand le nouvel État bourgeois
russe s’est consolidé (il est encore seulement très
partiellement consolidé), mais plutôt quand est-il né ? A
l’encontre de la LICR, la LCI n’a jamais proclamé qu’il y avait
une situation de double pouvoir dans l’ex-Union soviétique après le
putsch. Ils n’ont pas soutenu l’argument que l’appareil gouvernant
post-août n’était dédié ni à la
propriété bourgeoise ni à la propriété
collectivisée. Si ces deux possibilités sont exclues, il y a seulement une
autre réponse : l’État bourgeois est venu au monde avec la victoire
d’Eltsine en août 1991.
— 1917 n° 12 (voir 1917,
édition française, n° 2, La confusion centriste
face à la contre-révolution en URSS)