Workers Power abandonne Eltsine en faveur de Rutskoi:A nouveau sur la confusion centriste et la question russeTraduit de 1917, no 13, édition anglaise, 1994 Le numéro de mai 1993 du journal Trotskyist International, publié par la Ligue pour une Internationale communiste révolutionnaire (LICR) contient une polémique substantielle de Keith Harvey, dirigée en grande partie contre le « dogmatisme » de la Tendance bolchevique internationale (TBI) pour notre position dappui militaire à lappareil stalinien lors de sa confrontation avec les forces capitaliste-restaurationnistes dirigées par Boris Eltsine en août 1991. La LICR défend son bloc avec Eltsine et affirme avec perversité que ceux qui ne les suivent pas sur cette voie « abandonnent les gains doctobre. » En fait le triomphe dEltsine sur les soldes de lappareil stalinien sclérosé, un fait historique que la LICR continue à refuser de reconnaître, a marqué le moment décisif dans la destruction contre-révolutionnaire de lEtat ouvrier créé par la Révolution bolchévique de 1917. La polémique de la LICR a raison sur un point, à savoir quil ny a pas de « terrain de milieu ». Les groupes pseudo trotskystes comme la Ligue communiste internationale de James Robertson, (antérieurement la Tendance spartaciste internationale), qui reconnaissent que la défaite du putsch a signalé la destruction de lEtat ouvrier, mais qui néanmoins continuent à défendre leur refus de faire bloc avec les staliniens lors du conflit décisif, ne font que témoigner la faillite politique du centrisme de « gauche » contemporain. La LICR, par contre, est fière davoir pris position en faveur des eltsiniens en 1991. Elle affirme que nous avons eu tort de voir la victoire dEltsine comme le triomphe de la contre-révolution, et critique la TBI davoir confondu la chute subite de la bureaucratie stalinienne avec la destruction de lEtat ouvrier dégénéré. Larticle de Harvey projète que « lépreuve décisive » qui déterminera le destin de lEtat ouvrier russe se trouve encore dans le futur: « Ceux qui affirment que lEtat ouvrier russe nexiste plus ont de la difficulté à expliquer la signification des événements des derniers 18 mois en Russie. Une lutte constante et encore non résolue a eu lieu entre les restaurateurs de la voie rapide autour dEltsine, dune part, et une coalition large de chauvins, de conservateurs et de capitalistes dEtat de lautre. Beaucoup parmi les derniers ont soutenu Eltsine en août 1991 mais lui ont résisté depuis ». [notre traduction] La LICR fournit le résumé suivant des deux camps: « lobjectif économique des forces opposées en Russie aujourdhui est le contrôle de la Banque Centrale et de ses allocations de crédits aux entreprises. Chaque côtéEltsine et Khasbulatovpossède leur propre administration parallèle.... Seulement en réglant la lutte politique, a savoir quel corps aura la souveraineté en Russie pourra Eltsine réclamer la victoire et faire en sorte que la Banque Centrale agit comme une arme pour la restauration du capitalisme au lieu de subvertir ce processus ». [notre traduction] Il est vrai que les parlementaires ont cherché à garder lindustrie en vie par des subventions massives financées par limpression de la monnaie. Le problème avec cette solution est que le gouvernement russe et les autres gouvernements ex-soviétiques ne peuvent plus maintenir les subventions, ni faire les investissements nécessaires afin de moderniser lindustrie. La LICR rêve en couleur en imaginant quen continuant les subventions Ruslan Khasbulatov et Aleksandr Rutskoi (le président du Soviet Suprême et le vice-président respectivement) et la majorité parlementaire défendraient dune façon ou dune autre léconomie collectivisée. La divergence entre le Parlement et le Kremlin était sur comment le mieux établir une économie du marché. Lopposition parlementaire a représenté une gamme dautorités locales et régionales, dofficiers militaires inquiets que la Russie perdrait son statut de « grand pouvoir » et des directeurs dentreprises dont les perspectives futures sont attachées à la survie des entreprises quils dirigent. Lintégration du genre « thérapie de choc » dans le marché mondial propose par le FMI et lancien Premier ministre et le conseiller économique principal dEltsine, Yegor Gaidar, aurait signalé la liquidation dénormes secteurs de lindustrie russe, lappauvrissement absolu de dizaines de millions douvriers et une période prolongée de troubles civils. Dans une entrevue lannée dernière Khasbulatov a dénoncé les plans pour la transition rapide au capitalisme dEltsine et de Gaidar: « comment peut-on évaluer les déclarations par un des membres principaux du gouvernement à leffet quun déclin de 50 pourcent dans la production du paysque ceci est normal?... Mais une personne qui est en charge de la mise en place des réformes économiques déclare quun déclin de 50 pourcent est une norme. Est-il vraiment informé de ce quun déclin de 50 pourcent signifie? Celui-ci est un arrêt, une fermeture de la production, une destruction des forces productives. Généralement parlant, il est tragique que les cadres soient toujours choisi parmi des hommes dun très étroit contingent, et quun cercle non moins restreint fait la sélection.... Notre presse entière continue à écrire par inertie sur le succès de la thérapie de choc en Polognequand en fait le monde entier sait que la Pologne éprouve une chute totale et que cette conception a été prouvée totalement fausse ». Dans la même entrevue Khasbulatov a clairement indiqué que sa divergence avec Eltsine et Gaidar nest pas sils doivent ressusciter léconomie planifiée: « Maintenant, la réalité est telle quil ny a pas de retour au passe. Je ne suis certainement pas un de ceux qui se sont réjouis à la chute subite de lUnion soviétique; disons le franchement, ceci était un événement tragique. Mais la vie est la vie. Comme ils disent, le train a déjà quitté la gare. Et il nest pas simplement parti: les rails derrière lui ont été enlevés et jetés.... Alors nous devons comprendre que la vie doit être construite maintenant de nouveau, dans lEtat russe ». Le conflit entre Eltsine et Rutskoi/Khasbulatov est venu à un apogée avec laffrontement arme tôt en octobre. La décision éventuelle des chefs militaires dappuyer Eltsine lui a permis décraser ses adversaires et leurs défenseurs (qui comprenaient à la fois les staliniens et les paramilitaires fascistes). Celui-ci était un épisode important dans la consolidation dun régime capitaliste-restaurationnistes, mais il na jamais été autre chose quun conflit à lintérieur du camp contre-révolutionnaire. Un Etat ouvrier eltsinien?En réponse à la dissolution du Parlement par Eltsine la LICR a fait appel aux travailleurs pour défendre la Maison Blanche et pour « combattre le putsch dEltsine » (Workers Power, octobre 1993). Cet article (écrit évidement avant le conflit décisif) attaque Eltsine comme étant bonapartiste et dit que: « les socialistes révolutionnaires doivent...se servir de la crise afin de rassembler les ouvriers contre cette attaque à leurs droits démocratiques ». Cependant en adressant cette confrontation longtemps attendue entre Eltsine et ceux qui supposément bloquaient sa marche forcée vers le capitalisme, Workers Power (Pouvoir Ouvrier) ignore entièrement la question de la survie de son « Etat ouvrier » hypothétique. A son crédit, larticle na pas tenté dembellir les adversaires dEltsine parmi les Députés du Peuple. Ils sont décrits comme étant « en faveur de la restauration du capitalisme » et opposés à Eltsine seulement parce quils « veulent des garanties que la privatisation sera introduite de telle manière que la vielle bureaucratie serait le bénéficiaire du nouveau capitalisme ». Presque comme une arrière-pensée Workers Power fait appel aux ouvriers à « sorganiser indépendamment afin darrêter le programme économique pour la restauration capitaliste dEltsine/Gaidar », mais oublie de faire appel pour une opposition à lautre bande de capitaliste-restaurationnistes alors centrée à la Maison Blanche. Après que la fumée a été dispersée et le feu éteint, la LICR a publié un supplément spécial à Trotskyist International qui formule des arguments quelque peu différents. Constatant que les divergences entre Rutskoi/Khasbulatov et Eltsine sont « enracinées seulement dans la méthode et le rythme du processus de la restauration », la lutte entre Eltsine et lopposition parlementaire sur léchéance des élections est rejeté comme: « une chicane entre deux formes constitutionnelles bourgeoises équivalentes, ne pouvant présenter aucune alternative réelle au peuple. Les révolutionnaires doivent exiger labolition à la fois de loffice du président et du parlement ». La déclaration de la LICR note quaucun côté na été en mesure de mobiliser un appui de masse important. « Seulement quelques milliers sont venus aux rassemblements respectifs que les camps rivaux dEltsine et de Rutskoi avaient organisé ». La déclaration note également que: « Il nous semble peu probable que les staliniens durs et les ultra-nationalistes étaient les véritables organisateurs de linsurrection avortée.... Leur but était une dictature conservatrice ultra-nationaliste. Evidemment les communistes révolutionnaires ne peuvent en aucun cas avoir une solidarité politique quelconque avec cet objectif réactionnaire ». Mais, après tout ceci, la déclaration conclue sans autre explication que « dans la lutte entre le Parlement et Eltsine, les révolutionnaires doivent défendre la Maison Blanche et le Parlement ». La seule justification offerte pour cette conclusion est que « depuis la chute du coup de Yanayev en août 1991, Eltsine a été lennemi principal des travailleurs de la fédération russe ». Mais pourquoi doivent les travailleurs échanger un ennemi pour un autre? Le texte de Trotskyist International diffère en deux façons de larticle original de Workers Power. Dabord, laffirmation que Rutskoi/Khasbulatov méritaient une défense parce quils représentaient une alternative plus démocratique a été laisse tombée, et à sa place, larticle affirme que « les titres démocratiques du Parlement sont ni mieux ni pire que ceux dEltsine ». Deuxièmement, une référence indirecte à lEtat ouvrier russe imaginaire de la LICR est cachée dans le dernier paragraphe de cette déclaration substantielle: « Aujourdhui il ny a que nous qui luttent ouvertement et conséquemment contre toute tentative de transformer le pays en une dictature capitaliste ouverte ». La LICR est sans doute le seul (et de toute évidence de plus en plus mal à laise) à affirmer ridiculement que la Russie sous Eltsine et le FMI demeure un Etat ouvrier de quelque sorte. Il est évident quils aimeraient bien abandonner cette position, sans toutefois être obliges de rendre compte politiquement. La défense des Etats ouvriers contre la contre-révolution na jamais été pris au sérieux par la LICR. En 1991, lorsque lEtat ouvrier dégénéré existait toujours pour le vrai en URSS, la LICR a appuyé le capitaliste-restaurationniste « démocratique » Eltsine contre les bureaucrates staliniens, qui daprès lavis même de Workers Power (septembre 91): « espéraient par leurs actions du 19 août défendre leurs privilèges sur la base des rapports de propriété postcapitalistes ». Nous avons pris position avec les dirigeants putschistes et nous avons rappelé à la LICR que « les conquêtes de la Révolution doctobre pèsent plus lourdement dans les balances du progrès humain que la démocratie bourgeoise ». (1917, no 11, édition anglaise). Nous avons averti que « les mesures daustérité brutales requis pour la restauration capitaliste seront imposes avec les baïonnettes, et non les poignées de main du jour du scrutin ». Aujourdhui, cette prévision se réalise. Afin de réconcilier son soutien à Eltsine en 1991 avec sa prétention dêtre défenseur soviétique, Workers Power a nié tout simplement quune contre-révolution sociale avait eu lieu. Deux ans plus tard, lorsque les contre-révolutionnaires tombent en chicane entre eux sur qui devait profiter le plus du démantèlement de léconomie planifiée, la première impulsion de la LICR est de choisir son camp selon le critère du plus « démocratique ». Laxe du conflit entre Eltsine et Rutskoi/Khasbulatov nétait pas celui dautoritarisme bonapartiste contre la démocratie bourgeoise, il était une épreuve de force entre deux fractions à lintérieur du camp capitaliste-restaurationniste. Si les forces militaires avaient scissionné entre les deux camps et une guerre civile avait éclate, le mouvement ouvrier aurait du être défaitiste révolutionnaire envers les deux côtés. Nous nous opposons aux attaques dEltsine sur les droits démocratiques (la censure des médias, linterdiction de lopposition politique, la suppression de journaux oppositionnels). Mais si la direction Rutskoi/Khasbulatov avait émergé victorieux à la tête dune coalition nationaliste composée de bureaucrates régionaux, de staliniens, dantisémites et de paramilitaires fascistes, ils auraient cherché à consolider leur règne par de mesures répressives semblables. Le pessimisme historique comme « tactique intelligente »Les partisans de Workers Power feraient bien de repenser leur position à légard de la confrontation daoût 1991 à la lumière des événements récents. La polémique de Keith Harvey contre nous a réitéré largument que seulement un « front uni » avec les eltsiniens contre le putsch en 1991 aurait pu conserver lespace démocratique permettant au prolétariat de redécouvrir ses propres intérêts de classe: « Nous jugeons la question de droits démocratiques dun point de vue seulement: quels droits aideront la classe ouvrière à atteindre la conscience de classe? prendre part pour la bureaucratie contre la classe ouvrière et ses dirigeants démocratique-restaurationnistes est une folie criminelle. Cest en fait traîner la bannière du nom de Trotsky dans la saleté de stalinisme ». [notre traduction] A ce point il doit être clair que laffirmation que le régime « démocratique » restaurationniste dEltsine allait fournir une occasion pour la classe ouvrière darriver à une conscience de classe nétait autre chose que du pessimisme historique embellit comme tactique intelligente. Ayant perdu tout espoir dans la possibilité dune résistance ouvrière réelle, la LICR a été réduite à présenter la défaite comme une victoire. Le niveau de conscience de classe du prolétariat russe était bas, et il ny avait pas de formation politique organisée qui rapprochait même rudement le genre de direction politique nécessaire. Beaucoup douvriers avaient des illusions considérables en Eltsine et même dans le projet de restauration capitaliste dans son ensemble. La tâche de marxistes nest pas de sadapter aux illusions de la masse ouvrière la moins évoluée, mais de rallier ceux qui au moins ont un sens doù se trouve la ligne de démarcation de classe, dans ce cas dans la nécessite de défendre la propriété collectivisée contre la contre-révolution. En dépit dillusions massives en Eltsine dans certains secteurs du prolétariat (particulièrement les mineurs), dautres couches de travailleurs étaient profondément hostiles à Eltsine. Le travail dune organisation révolutionnaire intervenant en août 1991 était de chercher à diriger ces éléments dans laction contre les restaurateurs capitalistes, de faire front avec des fractions de lappareil stalinien comme et quand nécessaire, posant clairement en même temps la nécessité détablir les organes du pouvoir direct des travailleurs. Dans laffrontement de 1993, lespace créé par la chicane entre les deux ailes de restaurateurs capitalistes a présenté une occasion éphémère pour lintervention politique de la classe ouvrière. En cette situation de crise nationale, une campagne dans les syndicats pour convoquer des rassemblements durgence des représentants dusines, de syndicats, de fermes collectives et dunités militaires à travers la Russie aurait pu avoir eu un retentissement chez les masses et aura ouvert la porte à laction politique indépendante de la classe ouvrière. La tâche de marxistes à lintérieur de tels corps aurait été de chercher à cristalliser lopposition au projet entier de la restauration capitaliste avec un programme durgence pour renverser le processus de privatisation et de rétablir léconomie des ravages du chômage, dinflation, décroulement général de services de santé et les services sociaux, de pénuries de la nourriture, et de la spéculation monétaire à travers lintervention politique des masses. Pour la direction de la LICR la capacité de nager contre le courant est simplement « dogmatisme » et « sectarisme ». De Pologne en 1981, à la RDA en 1989, à lURSS en 1991, la LICR a été conséquente dans son refus à défendre les Etats ouvriers bureaucratisés contre la contre-révolution. Plutôt que de faire face à la réalité que la victoire eltsinienne en 1991, quils ont défendu passionnément, a détruit lEtat ouvrier soviétique et était une défaite énorme pour la classe ouvrière, la direction de la LICR a cherché le refuge dans un optimisme imbécile, et les assertions ridicules que « les gains doctobre » survivaient. Lorsque les bandits sur les barricades eltsinienne de 1991 sont tombés en chicane entre eux en 1993, la LICR sest dépêché a défendre les pirates les plus « démocratiques ». Celles-ci ne sont pas les réponses dune organisation révolutionnaire sérieuse. Le bilan dappui de la direction de la LICR aux mouvements restaurationnistes, son incapacité congénitale de dire ce qui est et son penchant à fabriquer des rationalisations « marxistes » pour son adaptation politique aux mouvements de masse du moment la marque à fond comme une formation centriste. |