Suivre la ligne de moindre résistance:La guerre impérialiste et les prétendus socialistes« La lutte contre la guerre et sa source sociale, le capitalisme, présuppose un soutien direct, sans équivoque des peuples coloniaux opprimés dans leurs luttes et guerres contre limpérialisme. Une position neutre équivaut au soutien de limpérialisme ». La tentative en cours de la part des Etats-Unis de semparer directement du pétrole irakien a fait voler en éclats des années de boniments officiels sur la primauté du droit, la résolution paisible des différends et le rôle des Nations unies dans la médiation des conflits au sein de la communauté internationale. Le léviathan américain a précisé son intention de poursuivre ses intérêts étroits sans égard pour le droit international, les subtilités diplomatiques ou la sensibilité dacteurs importants comme lAllemagne et le Japon. Le nouvel unilatéralisme des Etats-Unis, source de ressentiments chez les alliés impérialistes de lAmérique, a provoqué un ersatz danti-impérialisme chez plusieurs figures des cercles dits progressistes sur le plan international. À une rencontre des militants antimondialisation à Florence dans le cadre du Forum social européen de 2002 (FSE), Susan George a observé: « Après lIrak, les Etats-Unis rechercheront une présence à plusieurs endroits tout autour du monde. Ils veulent créer un empire mondial fondé sur la domination économique » (cité par Socialist Worker (Grande-Bretagne), 23 novembre 2002). Les Etats-Unis disposent déjà dun empire, mais George a raison de dire que la conquête dIrak, en renforçant la mainmise états-unienne sur le pétrole du Moyen-Orient, créera les conditions pour dautres agressions brutales de la part de la seule « superpuissance » mondiale. Le bolchévisme et les guerres néocolonialesLagression impérialiste contre lIrak constitue une épreuve pour tous qui se réclament du socialisme. Lenjeu est simple, et la position marxiste est sans ambiguïté : « Par exemple, si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, lInde à lAngleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc., ce seraient des guerres justes, défensives, quel que soit celui qui commence, et tout socialiste appellerait de ses vux la victoire des Etats opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les grandes puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices ». La Troisième internationale (ou Internationale communiste) lancée par Lénine et les bolchéviks par la suite de la trahison social-patriotique de la part des partis social-démocrates au moment de la Première guerre mondiale, a établi « 21 conditions » pour les partis candidats, notamment que les révolutionnaires de tout pays impérialiste avaient: « pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies . De nourrir au cur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées et dentretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux ». Trotsky et lOpposition de gauche ont réaffirmé cette prise de position après la dégénération stalinienne de lInternationale communiste. Au moment où Mussolini a assailli lÉthiopie en 1935, Trotsky a répondu sur le champ : « Bien entendu, nous sommes pour la défaite de lItalie et pour la victoire de lÉthiopie, et nous devons donc faire tout notre possible pour empêcher, par tous les moyens en notre pouvoir, que dautres puissances impérialistes soutiennent limpérialisme italien et en même temps faciliter du mieux que nous pouvons la livraison darmes, etc. à lÉthiopie ». Trotsky navait guère plus daffection envers Haile Selassie, dont le régime maintenait lesclavage au sens propre, que les révolutionnaires de nos jours envers Saddam Hussein, un dictateur sanguinaire et atout impérialiste depuis de longues années. Or, les marxistes sopposent sans condition à toute agression impérialiste contre un pays « sous-développé », pour les raisons quévoquent Trotsky à propos du conflit éthiopien: « Si Mussolini lemporte, cela signifiera le renforcement du fascisme, la consolidation de limpérialisme et le découragement des peuples coloniaux en Afrique et ailleurs. La victoire du Négus, en revanche, constituerait un coup terrible pour limpérialisme dans son ensemble et donnerait un élan puissant aux forces rebelles des peuples opprimés. Il faut vraiment être complètement aveugle pour ne pas le voir ». Deux ans plus tard, Trotsky abordera la même question sous un angle quelque peu différent: « Il règne aujourdhui au Brésil un régime semi-fasciste quaucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, lAngleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. Je vous le demande : de quel côté sera la classe ouvrière ? Je répondrai pour ma part que, dans ce cas, je serai du côté du Brésil fasciste contre lAngleterre démocratique. Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce nest pas de démocratie ou de fascisme quil sagirait. Si lAngleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil lemportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de lAngleterre porterait en même temps un coup à limpérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais. Réellement, il faut navoir rien dans la tête pour réduire les antagonismes mondiaux et les conflits militaires à la lutte entre fascisme et démocratie. Il faut apprendre à distinguer sous tous leurs masques les exploiteurs, les esclavagistes et les voleurs! » Le scénario ci-dessus sapplique intégralement à la situation actuelle si lon remplace « Brésil » par « Irak », et « Angleterre » par « Etats-Unis ». Mais la plupart des organisations « léninistes » et « trotskystes » dans le monde actuel jugent ces positions de Lénine et Trotsky absurdement sectaires. Leurs attitudes sont analogues à celles de Karl Kautsky, le premier opposant « socialiste démocratique » au bolchévisme, pour qui limpérialisme était un simple choix politique erroné que des pressions populaires adéquates pourraient rectifier. Supporters healyistes et Quislings irakiensSi lon peut décrire la réponse de la plupart des organisations de gauche contre les menaces faites à lIrak comme social-pacifiste, certaines font exception. Le Workers Revolutionary Party (Parti révolutionnaire des travailleurs) britanniqueun fragment de lopération de banditisme politique de Gerry Healy du même noma salué un référendum manifestement factice où 100% de lélectorat a donné son aval comme une « manifestation absolument sans précédent de lensemble du peuple irakien » (Newsline, 19 octobre 2002). Selon le WRP, lintimidation impérialiste na fait que « rallumer la révolution nationale irakienne » sous la direction de Saddam, « une réalisation qui coûtera cher ». [aux impérialistes] Or, la triste vérité est que la brutalité du régime dHussein a rendu bon nombre dirakiens favorables à la mise en place dun régime fantoche des Etats-Unis, voire loccupation militaire états-unienne un sentiment que le Parti communiste dIrak semble disposé à cautionner. Dans une déclaration en date de 28 septembre 2002, « Solidarité avec le peuple irakien pour la paix et la démocratie », ces quislings lancent un appel à « resserrer lisolement politique et diplomatique du régime dictatorial de Saddam » au nom des « droits humains ». Les humanistes ex-staliniens du Parti communiste ouvrier dIrak sopposent à tout le moins à une agression américaine, mais font léquivalence entre Saddam Hussein et George Bush Jr. et refusent de prendre position entre les deux. Comme eux, bon nombre de « communistes de gauche » et danarchistes manifestent sous la banderole « Une seule guerre la guerre des classes ! » Ce mot dordre à consonance gauchiste nest en effet quune déclaration de neutralité dans un conflit entre des nations opprimées et les oppresseurs. Les jeunes militants qui favorisent cette formule dans le cas de lIrak ne lappliquent pas dans le cas de la lutte palestinienne contre le nettoyage ethnique sioniste ou la résistance républicaine irlandaise à loccupation britannique. Mouvements de « masse » anti-guerres de nature front populaireUne attitude répandue chez les organisations prétendument révolutionnaires est à leffet que la meilleure façon de combattre lagression impérialiste est par le biais de mobilisations larges (et donc de nature libérale-réformiste) contre la guerre. Aux Etats-Unis, le Workers World Party (WWP) stalinophile est la force motrice derrière les grandes manifestations nationales contre la guerre. En Grande-Bretagne, le Socialist Workers Party (SWP) du feu Tony Cliff a joué le même rôle, tout comme en France, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR première section de ce qui reste du Secrétariat unifié). Dans tous les cas, les « révolutionnaires » obtiennent les permis, installent la sono, font la publicité, impriment les pancartes et organisent le service dordre. Mais on laisse le soin de lanalyse politique à des éminences (de la gauche libérale, sociaux-démocrates, des clercs et syndicalistes) invités à lestrade pour prêter un ton respectable et légitime à lévénement. Si les membres de lorganisation révolutionnaire qui ont organisé la manifestation y apparaissent, cest en tant que représentants de quelque front anodin et ils ne font que peu dallusions au marxisme, au socialisme, ou à la révolution. Ils restent trop polis pour émettre des critiques des orateurs invités. Aux Etats-Unis, viser un mouvement anti-guerre « large » signifie rechercher le soutien dhommes politiques bourgeois « progressistes » tels que Jesse Jackson ou Teddy Kennedy. Aux événements quorganisent les fronts du WWP, il ny a pas de dures critiques envers les Démocrates libéraux. À lextérieur des Etats-Unis, les appétits collaborationnistes de classe des réformistes prennent la forme dappels à leur « propre » bourgeoisie impérialiste pour sauver lIrak des Américains perfides. Les divisions entre les Etats-Unis et les rivaux impérialistes plus faibles sont dénuées de contenu social progressiste elles ne sont que le reflet des intérêts divergents et des poids spécifiques des différentes bourgeoisies nationales. La fureur récente à propos de « lunilatéralisme » des Etats-Unis na fait que prêter de la légitimité à son aval ultérieur à la campagne de Washington de la part du Conseil de sécurité de lONU. En France, la LCR a lancé son action contre la guerre avec un appel en date du 9 septembre 2002 pour lunité de « tous les pacifistes » (y compris la LCR elle-même, lon suppose) à un mouvement pour « forcer » les impérialistes de lUE à prévenir une agression états-unienne : « Dans la rue, dans les entreprises, les quartiers, unissons les forces de tous les pacifistes. Préparons des comités unitaires, des manifestations. Obligeons nos gouvernements, Chirac, Schröder, à rompre avec Bush, à empêcher cette sale guerre ». La LCR a lancé une journée nationale de protestation le 12 octobre 2002, à partir dune déclaration commune avec 20 organisations co-signataires qui ont affirmé : « Nous nacceptons pas la notion de guerre préventive avancée par les Etats-Unis, qui est absolument contraire à la Charte des Nations unies . La France doit sopposer à cette guerre. Elle peut et doit utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle doit aussi agir avec ses partenaires européens pour une solution politique négociée ». En sinclinant à la propagande impérialiste sur les armes irakiennes, la déclaration commune a également demandé « de reprendre les processus mondiaux et régionaux de désarmement, notamment au Moyen-Orient ». Il semble que cette demande ait légèrement gêné la LCR, qui a toutefois fini par y donner son aval : « Si, à travers plusieurs de ses formulations, cet appel représente un compromis, son caractère largement unitaire présage bien du succès que peut revêtir la première journée de manifestations ». Le SWP britannique: les meilleurs ouvriers du social pacifismeÀ Londres, le 28 septembre 2002, la « Stop the War Coalition » (StWC) a tenu une manifestation monstre qui a attiré environ 300,000 participants. Dans un discours devant 2 000 militants de gauche au Forum social européen en 2002, Lindsey German, une dirigeante du SWP et porte-parole de la StWC, a livré une version gauchisante : « Lindsey a argumenté que la force du mouvement antiguerre en Grande-Bretagne découlait de sa prise de position claire sur la question de limpérialisme. Nous avons compris que cétait une guerre pour le pétrole et pour la puissance états-unienne. Nous avons refusé le point de vue que le Taliban ou Saddam Hussein étaient des ennemis à légal de limpérialisme états-unien ou britannique ». Par contre, dans un article dans le numéro de novembre 2002 de Socialist Review, German a noté quune des « décisions importantes » derrière la réussite du StWC était que : « Il a rejeté un programme spécifiquement anti-impérialiste, et a argumenté que tous ceux qui sopposaient à la guerre aux agressions racistes et aux atteintes aux droits civiques étaient les bienvenus dy adhérer. Limiter ladhésion à la coalition à ceux qui avaient une compréhension de limpérialisme aurait signifié le couper dun véritable soutien large ». Il est tout à fait principiel que des léninistes participent à des fronts unis avec des travaillistes, des pacifistes et des clercs sur la base de leur opposition commune à une aventure impérialiste donnée. Or, chez les révolutionnaires, de tels blocs constituent une occasion de démontrer la supériorité du programme marxiste par rapport au réformisme embrouillé. Or, le SWP a organisé un « mouvement » doù toute forme de politique marxiste était effectivement exclue. Les interventions du SWP à la StWC sont façonnées avec soin pour correspondre au plus bas dénominateur commun réformiste que partagent les travaillistes, les évêques et les bureaucrates syndicaux dont on recherche le soutien comme garants du « succès » du mouvement. Par ailleurs, labsence de tout relent du « communisme impie » aux événements de la coalition facilite la poursuite dun bloc SWP avec les obscurantistes islamiques. Depuis leurs éloges à la « Révolution islamique » anti-ouvrière, les cliffistes ont tendance à rechercher un volant « progressiste » de lintégrisme musulman (Voir « Islam, Empire and Revolution » 1917 no 17, édition anglaise). Les orateurs à la manifestation comptaient, outre la Baronne Uddin de la Chambre des Lords, le révérend Peter Price, évêque de Bath et Wells, qui a saisi loccasion pour condamner Saddam et pour applaudir le « rôle légitime » des inspecteurs darmes de lONU: « Quon ne nous méprenne pas, à notre avis Saddam et son régime constituent une véritable menace à son propre peuple, aux pays voisins et au monde. Saddam doit mettre fin à la répression à lencontre de son peuple, abandonner ses efforts de développer des armes de destruction massive et respecter le rôle légitime des Nations unies dassurer quil le fasse ». Les « révolutionnaires » fort discrets du SWP nétaient pas présents à lestrade en leur nom propre, mais German, comme porte-parole du StWC, a dit à la foule : « Cette guerre est à propos du pétrole, et les intérêts stratégiques de lAmérique. Cest à propos de la guerre des riches contre les pauvres ». Mais au lieu de tirer la conclusion évidente celle de prendre parti pour « les pauvres » contre « les riches » (cest-à-dire, défendre lIrak contre laxe du mal Blair-Bush), German sest bornée au pacifisme abject « Le message de la manifestation nest pas une guerre sous légide des Nations unies, cest non à la guerre sous toute circonstance ». Or, chez les révolutionnaires, le message devrait être à leffet que les classes laborieuses et les opprimés ont un intérêt vital à défendre lIrak. Dans son article de Socialist Review, German dit désinvoltement « la Coalition ne peut pas se relâcher avant davoir arrêté la guerre » et prétend que : « Nous avons le potentiel darrêter la guerre. Bush et Blair ont fixé des objectifs clairs et une seule manifestation ne les arrêtera pas. Mais nous les avons ébranlés, et nous avons le pouvoir de continuer de les ébranler jusquà ce quils doivent battre en retraite, comme au Vietnam ». La direction du SWP est-elle assez ingénue que de croire à cela, ou est-ce une simple tentative de revigorer la base ? Les Etats-Unis se sont retirés du Vietnam parce que 50 000 de ses troupes envoyés en Indochine pour écraser une révolution sociale ont regagné leur pays en body-bags. Avec le temps, les jeunes, surtout dorigine ouvrière et des minorités ethniques dans larmée de conscrits devenaient de plus en plus insoumis et il y avait un sentiment croissant de désaffectation envers la classe dirigeante et sa guerre contre-révolutionnaire. Lorganisation de manifestations de masse social-pacifistes pour la paix par des réformateurs « trotskystes », avec des élus bourgeois du Parti démocrate pour établir le ton a joué un rôle négligeable dans la conclusion de la guerre; par contre, elle a contribué à recanaliser la colère populaire vers le cadre de la politique bourgeoise. Lampleur des manifestations a permis de repérer lopposition à la guerre, mais les sentiments croissants ouvertement anti-impérialistes au sein de couches de la classe ouvrière américaine, notamment chez les anciens combattants au Vietnam et la jeunesse noire, nont pas trouvé dexpression dans le mouvement pour la paix officiel. Le mouvement anti-guerre le plus concluant de lhistoire était celui qua dirigé le Parti bolchévique en Russie au cours de la Première guerre mondiale. Ce mouvement nétait pas fondé sur le social-pacifisme quappuie le SWP. Effectivement, la polémique de Lénine contre le refus des pseudo-socialistes de lier la lutte contre la guerre impérialiste à celle de renverser lordre social capitaliste pourrait bien viser le SWP:
LInternational Socialist Organization (ISO), ancienne section américaine de la Tendance socialiste internationale, excommuniée par le SWP dans une querelle hiérarchique, participe au militantisme anti-guerre en milieu universitaire aux Etats-Unis. Le numéro du 25 octobre 2002 de lorgane de lISO, Socialist Worker, évoque « la poussée expansionniste de lempire américaine », et note que « même les commentateurs de droite parlent dorénavant dimpérialisme ». Larticle critique certains « ténors du mouvement anti-guerre » qui sillusionnent que « limpérialisme états-unien pourrait mener une guerre juste dans certains cas, mais pas dautres ». Mais au lieu dindiquer que la résistance irakienne à lagression menée par les Etats-Unis, constitue une « guerre juste », lISO livre un discours social-pacifiste connu : « Les socialistes ont toujours joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la guerre et il ny a aucune raison de faire autrement de nos jours ». En fait, les socialistes nont pas toujours « combattu la guerre ». Les bolchéviques nont pas mis de lavant « la lutte contre la guerre », mais plutôt de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » une lutte pour la révolution socialiste. Dans Le socialisme et la guerre Lénine écrit : « nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles, cest-à-dire des guerres de la classe opprimée contre celle qui lopprime, des esclaves contre les propriétaires desclaves, des paysans serfs contre les seigneurs terriens, des ouvriers salariés contre la bourgeoisie ». Trotsky, quant à lui, a organisé lArmée rouge qui a vaincu les Blancs et leurs alliés impérialistes « démocratiques », notamment les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Les authentiques socialistes prennent parti dans les cas où les impérialistes agressent un pays colonial ou néo-colonial au lieu de déblatérer contre la guerre dans labstrait. LICR: Ménager chèvre et chouLe groupe britannique Workers Power, qui comme lISO est issu de la Tendance socialiste internationale, se présente comme alternative trotskyste conséquente à lopportunisme du SWP. Workers Power, et ses camarades au sein de la Ligue pour une Internationale communiste révolutionnaire (LICR), a fait une déclaration en date du 23 septembre 2002:
Jusque-là, tout va bien, mais à peine quelques semaines plus tard Workers Power a co-signé une déclaration en date du 8 septembre issue dune rencontre préparatoire du Forum social européen qui précise que: « Les voix qui se solidarisent avec le peuple Irakien nont aucune chance dêtre entendues par la Maison Blanche. Mais nous avons encore la possibilité dinfluencer les gouvernements européens puisque beaucoup sont opposés à cette guerre. Nous lançons donc un appel en direction de nos chefs dÉtat européens pour quils prennent publiquement position contre la guerre, que celle-ci ait reçu ou non laval de lONU. Nous leur demandons également dexiger que George Bush mette fin à ses préparatifs de guerre ». Les gens quelque peu avertis pourraient bien se demander pourquoi des socialistes sérieux lanceraient un appel à « renverser » une bande de bellicistes impérialistes tout en leur adressant un appel de sélever contre la guerre. Chez la LICR, la « tactique » est lart de ménager chèvre et chou. Chez ces centristes, rien nest plus important que déviter « lisolement ». Donc, une fois que la LCR, le SWP et des dizaines de groupes staliniens, sociaux-démocrates, verts et autres petits-bourgeois ont signé cette déclaration, Workers Power ne voulait pas rester à lécart. Trotsky connaissait bien ce genre de fourberie politique : « Laccord entre les paroles et les actes est le trait caractéristique, significatif dune organisation révolutionnaire sérieuse. Cest pourquoi les résolutions quelle prend à ses assemblées sont non pas de simples formalités, mais les résultats établis par des expériences quelle a accumulées dans laction et sont un guide pour laction à venir. Pour les centristes, une thèse « révolutionnaire » adoptée à une occasion solennelle na pour but que de servir de décoration trompeuse, de voile devant les divergences irréconciliables dans la période passée et à venir ». Le SWP est content de voir Workers Power embarqué dans sa « Stop the War Coalition » et leur laisse une place sur sa coordination. Workers Power constitue une aile gauche apprivoisée à laquelle on peut faire confiance de mener toute activité « révolutionnaire » avec discrétion et sans offenser. En saluant la manifestation éclatante du 28 septembre 2002 à Londres, Workers Power na pas dit un mot sur sa nature politique pacifiste ou labsence de tout ce qui évoquerait un appel à la « défaite totale de linvasion impérialiste et victoire à la résistance irakienne » quil prétend soutenir. Un projet récent de « Manifeste pour la révolution mondiale » affiché sur le site Web LICR donne un indice de comment ces centristes cherchent à concilier leur participation, comme associés en second, sans voix, à un bloc bourgeois-pacifiste avec leur engagement proclamé défaitiste-révolutionnaire :
On peut reconnaître sur le champ la vieille théorie « étapiste » si éculée. Au cours de la première étape, la LICR sempresse de participer à la construction dun mouvement « monstre » sur des fondements pacifistes-réformistes. Les prises de position anti-impérialistes dont la LICR serait partisane ne rallieront pas les masses quavec lavènement dune deuxième étape glorieuse dans un avenir indéfini. Sans doute, le SWP fournirait une explication semblable à ses jeunes partisans qui prennent encore sa rhétorique révolutionnaire au sérieux. Les spartacistes basculent encore une foisLa Spartacist League/U.S. (SL) et ses affiliés au sein de la Ligue communiste internationale (LCI) mettent de lavant une position défaitiste-révolutionnaire à légard de toute attaque impérialiste contre lIrak. Il sagit dun renversement dramatique de leur avis en 2001, au cours de lagression américaine contre lAfghanistan, quune position défaitiste à légard des agresseurs impérialistes était « illusoire et nétait que du vent et de belles phrases révolutionnaires ». (Workers Vanguard [WV], 9 novembre 2001). Ce qui va à lencontre de lobservation de Lénine, cest-à-dire:
À lépoque, la SL a rationalisé son rejet du défaitisme en prétendant quen Afghanistan, « aucun redressement nest possible chez le Taliban » (WV, 9 novembre 2001). Mais maintenant, ils reconnaissent que « lIrak néo-colonial nest aucunement placé pour vaincre la machine de guerre impérialiste des Etats-Unis » (WV, 18 octobre 2002). Alors, pourquoi les deux lignes différentes? La direction de la SL penserait peut-être que lhystérie provoquée par la destruction du World Trade Centre sétait assez calmée pour pouvoir risquer de sidentifier à la position léniniste sur les guerres néo-coloniales. Ce nest pas la première fois où la SL aura fléchi à un moment critique (voir « Where is the ICL Going? » « Où va la LCI ? », 1917 no 24), et fort probablement, ce ne sera pas la dernière. Quant aux plaintes de la SL quon laurait traitée de lâche (voir WV, le 25 janvier 2002), cest peut-être à eux de se demander pourquoi. « Pas de milieu »Au fond, loffensive contre lIrak nest quun maillon dans une chaîne de luttes prédatrices pour une nouvelle division du monde entre les puissances impérialistes. La guerre est endémique au capitalisme et se poursuivra tant que le système mondial capitaliste est déraciné par la révolution sociale, ou la destruction de la civilisation humaine. Il est impossible de sopposer aux guerres brutales néo-coloniales sans aborder la nature du système social qui les perpétue. On peut vaincre limpérialisme mais uniquement par la voie de la révolution sociale. Comme Lénine avait proclamé :
|