Un échange sur la question nationale au QuébecMarxisme ou nationalisme?Réimprimé ci-dessous est un échange sur la question nationale au Québec et la réponse apportée par les marxistes révolutionnaires entre Marc D., un militant de la Tendance bolchévique internationale au Québec, et Damien Elliott, cadre dirigeant des Jeunesses communistes révolutionnaires-Gauche révolutionnaire (JCR-GR), la section française du Comité pour une Internationale Ouvrière. Larticle de Damien Elliott a été publié originairement en français dans lédition de mars 1994 (no 28) de lÉgalité, mensuel des JCR-GR publié à Paris. Une version traduite de léchange a été publiée en 1917, no 16, édition de langue anglaise. Courrier: lÉgalité en faveur du Nationalisme québécois? « (...) Jai constaté larticle sur les élections canadiennes et la photo de la manifestation indépendantiste dans le dernier numéro (no 26NDLR) de lÉgalité. Est-ce une prise de position en faveur du nationalisme québécois? (...) Le poids du sentiment nationaliste dans le mouvement ouvrier représente un fardeau, et non un élément catalyseur ou une dynamique objective au développement dune conscience révolutionnaire de classe ». Débat sur la question nationale au Québec Pour un Québec indépendant et socialiste ! par Damien ElliottLarticle auquel fait référence notre lecteur donnait des informations sur la percée des nationalistes du Bloc Québécois aux récentes élections canadiennes. Pour lillustrer, nous avons donc choiside manière purement « journalistique »une photo de manifestation indépendantiste. Les JCR-Gauche révolutionnaire nont pas encore eu loccasion daborder cette question et de formuler un point de vue. Ce débat na pas encore été mené non plus avec les rédacteurs de Militant Labor, tout nouveau journal canadien partageant les vues de la rédaction et dont nous saluons en passage la parution. Militant Labor, journal adressé à un public anglophone, se prononce pour « le droit à lautodétermination du Québec ». Dans larticle ci-dessous, Damien Elliott exprime son point de vue personnel, destiné à ouvrir une discussion indispensable pour qui souhaite construire un parti ouvrier révolutionnaire au Québec.
Avoir une position correcte sur la question nationale est indispensable pour quiconque se réclame des intérêts des travailleurs. Cest évidemment le seul moyen dêtre entendu dans les pays ou existent des conflits nationaux. Ceci na rien à voir avec un soutien au « nationalisme » en général car il y a deux nationalismes: celui des oppresseurs (réactionnaire) et celui des opprimés (progressiste). La revendication de lindépendance nationale par les révolutionnaires prolétariens na aucun rapport avec un soutien quelconque aux directions nationalistes-bourgeoises. Au contraire, elle est avant tout destinée à les combattre en levant lobstacle principal à un ralliement des travailleurs au programme du socialisme et de linternationalisme. Si lunité des nations est souhaitable, cela ne peut en effet se faire que dans les conditions de stricte égalité. Dans le cas dune nation opprimée, la séparation davec la nation opprimante est souvent le premier pas indispensable à une unification ultérieure. Mais commençons donc par dire clairement que le Québec est une nation opprimée au sein de lÉtat canadien. Une nation oppriméeUne brochure de la LSO/LSA1, une organisation révolutionnaire aujourdhui disparue, donnait à ce sujet de précieuses indications. « Les Québécois constituent une nation partageant une langue nationale commune, le français; une culture et une histoire qui date de lancienne colonie nord-américaine de la France; et un territoire commun plus ou moins délimité par les frontières de lactuelle province de Québec. (...) Les origines de loppression de la nation québécoise remontent à la conquête britannique de la colonie française en 1760 et à la défaite du soulèvement révolutionnaire national de 1837 qui était une tentative de révolution démocratique bourgeoise comme celle lancée par les colons américains plus de 60 ans auparavant. (...) La nation québécoise est privée de son droit démocratique à lautodétermination politique. La constitution canadienne ne reconnaît nulle part le droit des Québécois ou de toute autre nationalité à décider de leur propre sort, allant jusquà et comprenant le droit de se séparer et de former leur propre État sils le désirent. (...) Les francophones [qui constituent plus de 80% de la population du QuébecNDLR] subissent une discrimination linguistique qui les place au rang de citoyens de deuxième classe. Langlais, la langue de la nation opprimante, est celle des privilèges. Les travailleurs francophones, chez qui on note un taux de chômage beaucoup plus haut que chez les anglophones, sont une source de main duvre à bon marché pour les capitalistes. Léconomie québécoise est dominée par les grosses corporations canadiennes-anglaises et américaines. Le principal instrument de domination est lÉtat impérialiste canadien ».2 Le nationalisme, fardeau ou catalyseur?Tant quun mouvement nationaliste et indépendantiste est minoritaire parmi les membres dune nation opprimée, les défenseurs des intérêts ouvriers doivent dénoncer cette oppression et reconnaître le droit de la nation en question à lautodétermination. Telle est la politique juste en Corse ou au Pays Basque français. Les choses changent du moment où la revendication indépendantiste aide au développement des luttes de classe ou si elle est en passe de gagner le soutien de la majorité de la nation opprimée. Dans le cas du Québec, cest à partir des années 60 que sest opéré une remontée en flèche du mouvement national. Un des ses produits a été lémergence du PQ (Parti Québécois) une formation bourgeoise fortement implantée dans tous les secteurs de la population, y compris les travailleurs de lindustrie. Mais la bourgeoisie nationale, représentée aujourdhui par le Bloc Québécois, sest montrée incapable de défendre de manière conséquente les intérêts nationaux. La satisfaction de ceux-ci a pourtant un caractère extrêmement progressiste car mettant directement en cause lÉtat central, cur du capitalisme canadien. Comme le notait la LSO/LSA: « Le nationalisme québécois est actuellement un défi formidable aux gouvernements dOttawa et de Washington, de Bay Street et de la rue Saint Jacques ». Le mouvement national a permis aux Québécois lobtention dune série de droits mais lÉtat central refuse de déléguer davantage de prérogatives gouvernementales et dadmettre lidée du « fédéralisme asymétrique », qui donnerait davantage de pouvoirs au Québec quaux neufs autres provinces, à cause de sa particularité nationale. Avec laggravation de la crise économique, le sentiment national continue à saccroître et, compte tenu des sérieuses menaces dexplosion de la fédération, la lutte nationale est un des biais les plus probables pour une prise de pouvoir par la classe ouvrière. Si un gouvernement ouvrier prenait le pouvoir au Québec, un événement aussi considérable aurait immédiatement des répercussions gigantesques et secouerait de fond en comble le reste du Canada mais aussi lAmérique entière. Une dynamique objective?La lutte de libération nationale québécoise, comme tout processus du même type, recèle une certaine dynamique qui pousse à sa transcroissance en révolution socialiste. Par contre, il est clair que cela ne peut se produire spontanément, sans que le mouvement national ne passe à un moment ou à lautre sous la direction dun parti de classe ayant une conscience claire de ses tâches. Cest dautant plus vrai aujourdhui, après la disparition de lURSS et du « bloc soviétique ». Il ne saurait donc être question dapporter la moindre confiance au Bloc Québécois, à priori peu susceptible de faire triompher lindépendance du Québec et certainement incapable de garantir une indépendance réelle, cest-à-dire la rupture avec les trusts anglo-américains, lOTAN et les institutions financières internationales. Au Canada, le principal parti ouvrier est le NPD, une organisation social-démocrate qui na jamais réussi à percer au Québec à cause de son refus de soutenir ne serait-ce que lautodétermination. Mais une organisation ouvrière canadienne qui veut sérieusement prendre le pouvoir pour instaurer le socialisme ny parviendra jamais en tournant le dos aux aspirations nationales de la population laborieuse du Québec. Dans cette région, elle se fera la championne de lindépendance nationale et essaiera de diriger le mouvement national en le plaçant sous le drapeau du socialisme. Au Canada anglais, elle uvrera à lever les préjugés chauvins des travailleurs anglophones, en leur expliquant que leur propre émancipation dépend en grande partie de leur capacité à soutenir le droit des Québécois à lautodétermination. * * * Notes 1 Ligue socialiste ouvrière/League for Socialist Action, section canadienne de la IVe Internationale (« Secrétariat unifié »). 2 « La question nationale au Québec », dans Pour un Québec indépendant et socialiste (éditions dAvant-Garde, Montréal, 1977). Réponse à lÉgalitéMontréal Camarades, Damien Elliott, en contestant quelques vues que jai exprimées (voir la réponse à « un lecteur » dans lÉgalité no 28, le 28 mars 1994) a ouvert un débat entre marxistes révolutionnaires sur la question nationale au Québec. Je souhaite bien loccasion offerte dy répondre, car ceci soulève beaucoup de questions importantes pour les révolutionnaires, et cest dailleurs tout à fait opportun, étant donné lélection récente dun gouvernement péquiste et le référendum en vue sur la souveraineté du Québec. La position du camarade Elliott contraste fortement à celle, dune tradition sociale-démocrate et travailliste des composants majeurs du « Comité pour une internationale ouvrière », y compris les rédacteurs canadiens de Militant Labor. Militant Labor, comme indiqué dans larticle de lÉgalité, se réclame à défendre le droit à lautodétermination du Québec, mais historiquement ce courant a cherché sa niche au sein des partisans de lunité canadienne du Nouveau Parti Démocratique. A lencontre du rédacteur de lÉgalité à Paris, Militant Labor canadien ne revendique certainement pas lappel pour lindépendance du Québec. La question nest pas si les révolutionnaires, particulièrement ceux aux Canada anglais, doivent défendre vigoureusement le droit à lautodétermination du Québec. Ceci est le devoir évident de tout marxiste. La question posée est si les révolutionnaires, particulièrement ceux au Québec, doivent eux-mêmes revendiquer lindépendance comme perspective. Nous disons non. Je nai pas toujours tenu cette position. Par le passé jétais un défenseur vigoureux des vues exposées par le camarade Elliott. Mais mes idées ont évolué comme résultat de mon expérience politique. En tant quancien membre de vieilles organisations, lune succédant à lautre, du Secrétariat unifié au Québec (la Ligue Socialiste Ouvrière [LSO], le Groupe Marxiste Révolutionnaire [GMR] et la fusion instable entre le deux, la Ligue Ouvrière Révolutionnaire [LOR]), jai accepté comme axiomatique la notion que le socialisme et le nationalisme québécois étaient intégralement liés. De 1972 à 1974 jétais membre du comité éditorial de Libération, publication québécoise de la LSO, qui semble avoir influencé si largement la pensée de camarade Elliott. Il est par conséquent un peu ironique que le camarade a basé sa réponse à mes commentaires originaux sur les publications antécédentes de la LSO. Comme les JCR-GR sont issus, en grande partie, dune scission au sein de la jeunesse du Secrétariat Unifie en France, la continuité politique de ces vues dans la nouvelle organisation ne me surprend pas. Laffirmation du camarade Elliott que la lutte pour la libération nationale au Québec, « comme tout processus semblable », contient une dynamique qui mène vers la révolution socialiste, pose une question de méthode. Tout comme beaucoup dautres militants de gauche analysant le Québec de lextérieur, le camarade a tendance à idéaliser le nationalisme québécois en lidentifiant au désir de libération nationale dune néo-colonie du tiers monde. La LSO, que le camarade Elliott semble prendre comme modèle, avait affirmé que la dynamique du nationalisme conséquent (du moins pour le Québec) transcenderait les objectifs nationalistes simples et conduirait vers lobjectif socialiste. La LSO a cherché à déborder les nationalistes bourgeois sur le terrain politique de lunilinguisme français du Front commun pour la défense la langue française et sest ainsi trouvée dans un bloc politique avec une variété de xénophobes et ultra-nationalistes. Cette fixation sur la question nationale est venue au dépens de toute orientation sérieuse de travail dans les syndicats, qui étaient engagés alors dans une série de confrontations de classe majeures. Ces luttes ont atteint leur apogée dans la grève générale de 1972, que la LSO avait faussement envisagé comme un conflit essentiellement nationaliste, plutôt que de classe. Laxe de son intervention était la revendication pour lindépendance du Québec. Mais la lutte nétait pas centrée autour des revendications visant lappropriation par lÉtat québécois des pouvoirs de lÉtat fédéral. Bien que la grève ait adopté une coloration nationaliste, elle a été dirigée contre lÉtat québécois, et les grévistes formulaient des revendications économiques visant, dans lessentiel, lappropriation de plus des pouvoirs par les travailleurs québécois. Lapparition au Québec en cette période de plusieurs formations maoïstes dune envergure importante, composées largement détudiants radicalisés repoussés par le nationalisme bourgeois du PQ, et qui étaient capables, pendant un certain temps, de manier une influence appréciable au sein des secteurs les plus militants du mouvement ouvrier, peut être largement attribué à labsence dune organisation capable de projeter lessentiel du programme léniniste-trotskyste. Lopportunisme de la LSO sur la question nationale au Québec, trouvant son contre-partie dans la loyauté de son affilié anglo-canadien (la LSA) aux partisans anglo-chauvins de lunité canadienne social démocrate du New Democratic Party, était le sujet dune critique factionelle cynique et semi-malhonnête, mais au fond substantiellement exact, par Ernest Mandel (publié sous le titre « Défense du léninisme » dans les bulletins de discussion interne de 1973 du Secrétariat unifié). Peuples progressistes et réactionnairesLe camarade Elliott affirme lexistence des nationalismes progressistes et réactionnaires, correspondant, on doit supposer, à des peuples progressistes et réactionnaires. Le Québec appartient au premier groupe, avec la Corse, le pays Basque Français, le Catalan, lIrlande, etc. Bien que le nationalisme des nations oppresseur (par exemple, le Canada) soit réactionnaire jusquau cur, ceci ne veut pas dire que le nationalisme québécois est en soi « progressiste », et encore moins révolutionnaire. Ceci était peut-être moins évident il y a 25 ans, lorsque les tendances nationalistes de gauche puissantes existaient au sein du mouvement ouvrier au Québec. Mais aujourdhui la démagogie anti-Mohawk du Parti Québécois et du Bloc Québécois (léquivalent péquiste au parlement fédéral), qui est approuvée tacitement sinon explicitement par la bureaucratie syndicale, rend tout ceci plutôt évident. Un paradoxe de la croissance du mouvement nationaliste depuis les années 1960 est que ses réalisations législatives sur le plan culturel et linguistique (les lois linguistiques répressives au Québec) ont entrecoupé en grande partie linsécurité culturelle qui avait alimenté le mouvement souverainiste en premier lieu. Le sentiment nationaliste au Québec a toujours été à sa hauteur lorsque la survie de la nation a paru menacée, mais aujourdhui tel sentiment est en déclin. La majorité des Québécois nest certainement pas passionnée du statut quo légal constitutionnel, qui relègue le Québec au statut simple dune province parmi dix, et nie de cette façon ses droits nationaux, mais seulement une minorité, même parmi les francophones au Québec, est partisane de lindépendance tout court. Le déclin de lappui pour le projet souverainiste au Québec depuis plus dun an est le sujet de discussion fréquent dans les médias bourgeois. Par exemple, un des éditorialistes principaux dun quotidien montréalais offre la description qui suit de la déchéance du mouvement souverainiste:
Cette même semaine léditorialiste Marcel Adam de La Presse a observé que: « parce quun projet souverainiste éthnocentrique est philosophiquement indéfendable et destiné à léchec lorsquil réclame un territoire avec une population hétérogène, les souverainistes actuels ont dû trouver une autre justification pour leur projet ». Un projet souverainiste éthnocentrique est envisagé comme « philosophiquement indéfendable ». i.e., politiquement indésirable, par les nationalistes bourgeois conventionnels du BQ/PQ. Le PQ pourrait concevoir sa victoire référendaire hypothétique avec une majorité solide, seule et unique, délecteurs francophones. Les ultra-nationalistes durs et purs, tel Pierre Bourgault autrefois « de gauche, » revendiquent justement une telle perspective.1 Parizeau préfère courtiser le vote ethnique indécis, vacillant entre laffinité avec le Québec et le Canada. Les démagogues ultra-nationalistes tel Guy Bouthillier du Mouvement Québec français, qui avaient cherché obtenir la nomination péquiste dans lélection au Québec de 12 septembre 1994, lont donc fait contre les vux exprimés de Jacques Parizeau, dirigeant péquiste. En certaines instances ils ont réussi à remplacer le candidat ethnique « officiel » du parti, et ont ainsi miné les efforts péquistes dobtenir les votes ethniques non-francophones, concentrés en grande partie sur lîle de Montréal. Parizeau a réussi à obtenir une victoire électorale générale malgré de pertes lourdes parmi les électeurs immigrés et anglophones. Dans le référendum prévu sur la souveraineté de tels votes seront cruciaux pour une victoire souverainiste. Les débats actuels autour de limmigration et des immigrés, dont les plus récents sont venus en leur grande majorité des pays appauvris du tiers monde, sont aussi controverses à Montréal quà Paris.2 Au début de lannée scolaire de 1994, Emilie Ouimet, étudiante de 12 ans, a été expulsée de lécole secondaire Louis Riel à Montréal pour avoir porté un hidjab, le foulard islamique pour femmes. Aujourdhui les immigrés asiatiques, particulièrement les Chinois venus de Hong Kong, sont visés comme cible. Les nationalistes bourgeois, allant dune fraction péquiste importante jusquaux xénophobes de la Société St. Jean Baptiste (SSJB), dénoncent de façon démagogique les soi-disant « dangers » posés par les valeurs culturelles étrangères et la concentration denfants immigrés dans les écoles francophones de Montréal.
Les nationalistes québécois condamnent les enfants dimmigrés, non pas davoir failli apprendre le français, mais plutôt davoir failli devenir de vrais Québécois de « vieille souche » selon le « système de valeurs partagées » Catholique français du Mouvement Québec français et de la Société St. Jean Baptiste. Gagner une écouteNous ne cherchons pas à marcher à la tête du défilé St. Jean Baptiste le 24 juin. Nous ne cherchons non plus à mener la lutte pour un Québec français.3 Nous nappuyons ni défendons les lois linguistiques actuelles au Québec. A lencontre du camarade Elliott, nous ne sommes pas intéressés à « gagner une écoute » parmi les ultra nationalistes, et ne sentons aucun besoin dencourager dune manière quelconque leurs préjugés arriérés ou de répéter ce que les démagogues veulent bien les faire croire. Le devoir dun révolutionnaire est de dire la vérité, ce qui mérite dêtre dit, indépendamment de la popularité immédiate de telles perspectives. Ladoption du slogan de « lindépendance et le socialisme » par le gauche québécoise au cours des années 1960, a été basée sur la supposition que la lutte pour lindépendance du Québec contre lÉtat canadien déborderait ce cadre simple afin dintroduire la révolution socialiste. Le niveau plus élevé de la lutte de classe et lactivité politique nationaliste de gauche au Québec semblait vérifier cette perspective. En 1970 Pierre Trudeau avait invoqué les « mesures de guerre » draconiennes et avait envoyé larmée canadienne dans les rues de Montréal.4 Des centaines de militants de gauche, de nationalistes et de syndicalistes ont été internées sous le prétexte quils faisaient tous partie dune « insurrection appréhendée » menée par le Front de Libération du Québec terroriste. Deux ans plus tard lemprisonnement des trois dirigeants syndicaux avait déclenché une grève générale massive, qui pendant quelques jours avait mis le contrôle de plusieurs villes aux travailleurs et à leurs organisations syndicales. Les gouvernements canadien (et américain) ont certes été profondément dérangés par de tels développements, et ils avaient envisagé la perspective dun Québec indépendant dirigé par les nationalistes petits bourgeois avec alarme. Bien que les péquistes (issus dune scission avec le Parti Libéral du Québec) aient tenu des pourparlers réguliers avec le Département dÉtat des États-Unis, au cours desquels ils assuraient les Américains de leur engagement ferme à défendre léconomie capitaliste, leurs déclarations publiques avaient parfois troublé limpérialisme voisin. Je me rappelle une assemblée publique à Hull en 1972, à la veille de la grève générale, où lactuel Premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, avait plaidé en faveur des « mesures bolchéviques » pour promouvoir lintérêt économique et politique dun Québec indépendant. Lhumeur radicale de ces jours était donc si forte que même les péquistes ont senti quils devaient sen servir. Les choses ont bien changé depuis. La direction syndicale solidement pro-péquiste, emprisonné en 1972 pour avoir défié lautorité bourgeoise, tout dernièrement se mettre à colporter des actions et à ramasser des fonds pour le « Fonds de Solidarité » de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), fournissant ainsi du capital à leurs copains bourgeois de Québec Inc.5 Selon un compte rendu de la section « affaires » de la presse bourgeoise, le Fonds de Solidarité de la FTQ: « a été conçu en 1983 par Louis Laberge, dirigeant de la FTQ, qui avait convaincu le gouvernement PQ de lépoque quun tel véhicule de financement aiderait à la fois les travailleurs syndiqués et le public à investir dans les compagnies québécoises et conserverait ainsi les emplois ». Inutile de dire que les corporations québécoises, qui bénéficient gratuitement de la largesse du mouvement syndical au Québec, entre-temps coupent impitoyablement les salaires des travailleurs et licencient leur personnel dans une tentative de devenir plus compétitif. Et ces mêmes compagnies québécoises qui bénéficient des « fonds de solidarité » des travailleurs québécois, telles que Cascades (qui possède un nombre dusines en Europe) nhésitent pas à mordre la main de leurs nourrisseurs par le biais dattaques vicieuses contre les syndicats.6 Tels sont les fruits amers de la collaboration de classeou selon le jargon des chefs syndicaux, de la « concertation ». Il ny a pas de pénurie de sentiments nationalistes parmi la bureaucratie syndicale au Québecen effet le nationalisme est la clef à leur collaboration de classe abjecte. La vie elle-même a réfuté les scénarios de la LSO dune lutte nationaliste qui subisse, dune façon ou dune autre, une transcroissance menant à la République des travailleurs du Québec. Les craintes exprimées autrefois par divers impérialistes à légard des dangers dune république péquiste étaient et sont toujours sans fondement, et aujourdhui seulement les Bérets blancs ultra-conservateurs et ultra-cléricaux accusent Parizeau (décrit par la presse anglophone du pays comme un « banquier vêtu en banquier ») de sympathies « communistes ». Même le Reform Party anglo-chauvin et réactionnaire ne joue pas la carte danticommunisme envers le PQ ou le Bloc Québécois. Ils sont accusés par la réaction anglo-canadienne non pas de promouvoir la révolution sociale mais uniquement de vouloir morceler et détruire lÉtat canadien. Parizeau, lancien Ministre des Finances dans le gouvernement de René Lévesque, est un politicien bourgeois éprouvé. Son « radicalisme » se limite à proposer des réductions fiscales et des coupures de bénéfices sociaux. Le gouvernement américain, bien que peu enthousiaste devant la perspective de lindépendance du Québec, exprime seulement les inquiétudes habituelles sur la sécurité de leur capital et la capacité des débiteurs à faire leurs paiements. Laffaire de BernonvilleLintersection entre le nationalisme québécois et lactivité de laile gauche dans les syndicats et sur les campus obscurcit peut-être le fait que traditionnellement les nationalistes québécois aient été liés de près aux réactionnaires cléricaux de la droite en France. Pendant la Deuxième guerre mondiale les élites nationalistes du Québec ont applaudi la défense par le régime Vichy des valeurs culturelles catholiques françaises contre la soi-disant « influence corruptrice » de Juifs, dathées et de communistes. Les fascistes français sont bien informés de cet héritage. La réaction xénophobe à limmigration du tiers monde leur a présenté avec une occasion importante de renouveler leurs liens avec les ultra-nationalistes québécois. En septembre 1993 nous avons participé aux protestations de masse contre la tentative avortée du Front National de Le Pen détablir une prise de pied au Québec. Le FN nest pas indifférent aux aspirations nationales du QuébecLe Pen na pas envoyé Le Gallou, son lieutenant principal, au Québec afin de recruter les anglo-chauvins du Reform ou du Equality Party! Le Gallou nest pas le premier xénophobe français à traverser lAtlantique à la recherche desprits surs dans le Nouveau Monde. Sa piste avait été tracée plus tôt par Jacques de Bernonville, un des principaux fascistes français qui avait dirigé les forces policières à Lyon sous loccupation nazie et avait travaillé étroitement avec linfâme Klaus Barbie. En 1947 la justice française lui a condamné à la mort comme criminel de guerre responsable pour le meurtre des milliers et pour la torture de combattants de la Résistance antifasciste en France. De Bernonville a échappé à la prison et a fuit de la France au Québec, avec la complicité de la réaction cléricale. En 1948 il a été identifié par un vétéran de la Résistance française dans une rencontre fortuit à Granby. Les nationalistes québécois de lépoque ont immédiatement lancé une campagne pour bloquer les tentatives du gouvernement fédéral visant son expulsion. Frédéric Dorion, par la suite justice en chef de la Cour supérieure du Québec et à lépoque membre du parlement fédéral pour Charlevoix-Saguenay, sest levé dans la Chambre des communes à Ottawa le 22 février 1949 pour se plaindre: « je suis sûr que si des Juifs communistes étaient venus ici au lieu de Catholiques français, nous naurions pas entendu un mot à propos deux ». La campagne de défense pour de Bernonville était dirigée par Robert Rumilly, lhistorien officiel et le propagandiste en chef de la Société St. Jean Baptiste, de surcroît lie étroitement au Premier ministre québécois Maurice Duplessis, les deux farouchement anticommuniste et antisyndical. Le compte rendu suivant de la campagne de masse menée par la SSJB à la défense du criminel de guerre nazi de Bernonville a été publié dans un quotidien montréalais à la veille dun colloque historique sur le Québec et la deuxième guerre mondiale, tenu à lUniversité du Québec à Montréal au début doctobre 1994. On lit comme suit: « Une indication du genre de campagne publique menée par Rumilly est contenue dans La Vérité sur la Résistance et lÉpuration en France, un discours public quil a prononcé en 1949 pour élever des fonds pour la campagne de défense de Bernonville.... Après avoir énoncer comment des individus avaient été persécutés par les purges de laprès-guerre en France, Rumilly a dit, au Canada même, il a suffit quun Juif aux yeux louches, dont le nom méchappe, a inventé les calomnies les plus incroyables à légard du noble commandant de Bernonville... pour que notre service dimmigration entretienne dutiliser (les calomnies) comme base dun cas légal par lequel il a désiré et désire encore expulser ce héros légendaire et lenvoyer à son exécution ». Plusieurs membres du gouvernement péquiste actuel étaient parmi ceux qui avaient rallié à défendre de Bernonville :
En août 1951 le gouvernement fédéral canadien a autorisé de Bernonville de quitter le Canada pour le Brésil afin déviter son expulsion en France. Au Brésil Bernonville avait été aidé par le Bruederschaft, une organisation de secours aux Nazis fuyant lEurope. De Bernonville est rapporté avoir finalement rencontré son destin aux mains du Bruederschaft, et était: « trouvé étranglé dans son appartement à Rio de Janeiro le 27 avril 1972, avec une guenille dans sa bouche et ses mains et pieds liés. Un portrait signé de Maréchal Pétain se trouvait au mur. Deux semaines plus tard, le Diario Popular, un quotidien de Sao Paolo, a suggéré que Barbie soit derrière le meurtre car Bernonville avait menacé de révéler les secrets nazis ». Les amis de Bernonville dans la Société St. Jean Baptiste et le Parti Québécois peuvent pleurer son passage. Nous promettons de ne pas pleurer le leur. A lépoque ou jétais militant étudiant à lUniversité Laval à Québec, les militants étudiants de gauche ont nommé la Société St. Jean Baptiste « la Société St. Jean Fasciste ». Les sentiments pro-fascistes de la Société et autres xénophobes ont été et sont généralement ignorés, niés ou balayés en dessous le tapis par les avocats pseudo-trotskystes dun « nationalisme conséquent ». Cependant un coup dil au dossier historique démontre que les attaques xénophobes contre les immigrés (aussi bien que contre les peuples aborigènes survivants) sont profondément enracinées dans le passé. Lhistoire officielle de la SSJB de Montréal par Robert Rumilly, publié en 1975, évoque fièrement le rôle de la SSJB dans la campagne de pétition de masse en 1944 contre limmigration juive au Canada et affirme que cette campagne a empêché l « exploitation » des travailleurs québécois par les réfugiés juifs! La démagogie contre les présumés « ennemis » de la « vieille souche » québécoise reste le même de nos jours, bien que dautres tels les immigrés asiatiques, en particulier les Chinois venus de Hong Kong, sont visés comme cibles aujourdhui par les ultra-nationalistes. Les « opprimés » nont jamais tortLes avocats soi-disant trotskystes dun caractère révolutionnaire inhérent prétendu du nationalisme québécois cherchent naturellement à renforcer leur argument en rendant cette dynamique historiquement rétroactive. Le document de la LSO cité par le camarade Elliott mentionne la défaite de la révolution bourgeois-démocratique au Québec en 1837, mais les lecteurs de lÉgalité ne sont peut-être pas informés que ce soulèvement a eu lieu lors dune tentative semblable en Ontario (le Haut Canada). Si les révolutionnaires bourgeois de 1837 pouvaient sunir dans une lutte conjointe dautrefois contre la couronne britannique, pourquoi rejeter la possibilité dune lutte de classe conjointe entre les ouvriers québécois et anglo-canadiens aujourdhui? La bourgeoisie anglo-canadienne, lhéritier du règne colonial britannique, opprime la nation québécoise depuis plus de 200 ans. Le chauvinisme anti-québécois (exprimé aujourdhui sous la forme dun plaidoyer en faveur de « lunité nationale ») a été un pilier central de la réaction bourgeoise même avant lépoque de la Confédération. La perspective de forger lunité combative de la classe ouvrière au-delà des antagonismes nationaux actuels au sein de lÉtat canadien exige que le prolétariat canadien anglais soutient inconditionnellement le droit à lautodétermination du Québec, y compris le droit à la séparation, et sy oppose agressivement à toute manifestation de discrimination contre les francophones. On peut constater au cours des trois dernières décennies un niveau très élevé de luttes de classe communes (habituellement introduites par les travailleurs plus militants au Québec). Une section considérable de la classe ouvrière québécoise dans lindustrie manufacturière, lexploitation minière et même le secteur des services gouvernementaux appartient aux syndicats communs avec son équivalent anglo-canadien. Du point de vue révolutionnaire, ce lien est une bonne chose. Il est concevable quà un moment futur nous pourrions être obligés de concéder que les antagonismes nationaux entre les ouvriers québécois et canadiens anglais exigent la séparation politique pour ôter la tension constante et les conflits culturels de lordre du jour politique, comme Lénine avait soutenu la séparation de la Norvège et de la Suède en 1905. Si les marxistes revendiquent ou non-indépendance dépend comment la lutte pour lunité de la classe ouvrière internationale peut être mieux avancéeau sein dun même État ou dans deux États séparés. Si les rapports deviennent si empoisonnés quil est nécessaire de faire appel à la séparation, nous sommes parfaitement préparés à le faire, mais un tel développement peut être envisagé seulement comme un reculet non pas comme un bond révolutionnaire en avant. Vu labsence actuelle dune conscience politique de classe du prolétariat québécois, et le chauvinisme profondément enraciné au Canada anglais, le danger dune solution nationaliste, a lopposé dune solution de classe, est très réel. Cependant, pour le moment, à moins que les péquistes obtiennent lassistance du camp fédéraliste dans la forme dune nouvelle vague de sentiments chauvins au Canada anglais, et/ou un renouvellement des assauts anglo-chauvins contre les droits culturels minimaux obtenus par la minorité francophone à lextérieur du Québec, il paraît que les souverainistes auraient de la misère à gagner un vote majoritaire dans le référendum prévu sur lindépendance. En ce moment il ny a certainement aucune raison valable pour les marxistes révolutionnaires de revendiquer eux-mêmes ou de soutenir lappel pour lindépendance du Québec. LÉtat canadien et ses défenseurs de gaucheLe plaidoyer du camarade Elliott en faveur du nationalisme québécois nest pas la seule déviation politique concevable sur cette question. Des militants de gauche à la fois au Québec et au Canada anglais semblent être alarmés par la perspective que lindépendance du Québec peut avoir pour résultat le démembrement du reste de lÉtat canadien. La Ligue trotskyste (LT), la section canadienne de la Ligue communiste internationale (LCI), dirigée par la Spartacist League des États Unis, a écrit récemment que: « plus tôt cet été Lucien Bouchard a médité, dans un discours privé à la Chambre de Commerce à Ottawa que lOuest canadien pouvait finalement se trouver annexé aux États-Unis suivant la sécession du Québec de la Confédération. En effet, lindépendance du Québec peut bien être un prélude au démembrement du pays entier. En tant quinternationalistes de la classe ouvrière nous navons, bien sûr, aucun intérêt dans le maintien de lactuel État capitaliste canadien artificiel et oppressif. Mais nous reconnaissons que le morcellement du Canada anglais en ce moment peut seulement fortifier le pouvoir de limpérialisme américain au dépens des ouvriers de lAmérique du Nord et du monde, et nous nous opposerions à ceci comme contraire aux intérêts de la classe ouvrière ». Nous pouvons consentir que les internationalistes prolétariens « nont aucun intérêt dans le maintien de lactuel État capitaliste canadien artificiel et oppressif » et dailleurs quils doivent défendre le droit à lautodétermination du Québec, y compris la séparation. Mais il suit à peine quadvenant la séparation du Québec les marxistes révolutionnaires doivent lever haut la bannière de lunité canadienne. Largument de la Ligue trotskyste nous rappelle la confusion centriste classique des austro-marxistes dAutrichela combinaison dune phraséologie fausse radicale avec une conclusion qui contredit la prémisse. Dans la bouche dOtto Bauer largument aura pu suivre comme suit: « Nous navonsbien sûraucun intérêt dans le maintien de lempire austro-hongrois artificiel et oppressif. Mais nous reconnaissons que le démembrement de lempire austro-hongrois peut seulement fortifier le pouvoir des empires rivaux encore plus oppressifs tels que la Russie tsariste ou le colonialisme français ou britannique, et mettre en danger ainsi les gains durement acquis du mouvement ouvrier autrichien. Nous devons par conséquent nous opposer au démembrement de lempire austro-hongrois comme contraire aux intérêts de la classe ouvrière ». Nous ne partageons pas linquiétude des robertsonistes devant la perspective du démantèlement du Canada, ni, advenant la séparation du Québec, serions-nous dans le camp de ceux voulant sauvegarder ce qui reste de lÉtat impérialiste canadien. En même temps, inutile de dire, nous nimaginons pas quune dynamique révolutionnaire puisse se dégager dune telle séparation. Distinguer les amis des ennemisBien quil ny ait pas de raison de soutenir limpérialisme anglo-canadien junior contre son voisin américain vastement plus fort, il ny a pas non plus de raison dimaginer quil y a aussi une quelconque « dynamique révolutionnaire » inhérente au nationalisme québécois. La bourgeoisie québécoise est certes plus faible que la bourgeoisie anglo-canadienne, mais celui-ci est une question de degré plutôt que de qualité. Un Québec indépendant commencerait sa vie comme un pouvoir impérialiste mineur, une Norvège, pas un Mexique. Il est peut-être utile de constater que le même « optimisme » révisionniste qui voit une dynamique révolutionnaire « objective » dans le mouvement nationaliste bourgeois au Québec avait affirmé détecter une dynamique « révolutionnaire » inhérente dans la destruction réactionnaire danciens États ouvriers déformés et dégénérés du bloc soviétique. LUnion soviétique na pas simplement « disparu », comme le camarade Elliott affirme en termes si euphémiques. En août 1991 le « Comité pour une internationale ouvrière » sest joint au Secrétariat unifié dErnest Mandel pour annoncer le triomphe dEltsine et les forces contre-révolutionnaires soutenues par limpérialisme rangées derrière la bannière de la « démocratie » comme un pas en avant. Cependant les résultats ont été désastreuxla réapparition du nationalisme réactionnaire, lappauvrissement généralisé, une chute de la production, le démantèlement des services sociaux et la misère accrue de dizaines de millions de gens. Le nationalisme soutenu par la bureaucratie syndicale québécoise a servi non pas davancer mais de faire dévier la lutte de classe au Québec. La lutte contre la république des banquiers et pour la république des travailleurs doit commencer avec une lutte résolue contre les illusions nationalistes au sein du mouvement ouvrier. Les discours toujours en évidence des idéologues ultra-nationalistes sur les supposées conspirations du capital anglo-américain servent essentiellement comme épouvantail pour émouvoir les travailleurs québécois par des mémoires de leur oppression historique, tout en masquant leur oppression de classe actuelle et réelle par un patronat québécois sous un torrent de démagogie nationaliste. Il est tout à fait évident qui sont les architectes principaux de lindépendance du Québec, et qui seront les bénéficiaires majeurs de la république des banquiers péquiste. Les travailleurs québécois relativement plus combatifs que leur contreparties anglo-canadiennes peuvent jouer un rôle stratégique immense dans la révolution en Amérique du Nordmais seulement sils sont gagnés à une perspective internationaliste. Un mouvement ouvrier insurgé au Québec ne retiendrait pas longtemps le pouvoir si les impérialistes restent au pouvoir ailleurs en Amérique du Nord. Le destin du prolétariat québécois est en dernière analyse dépendant sur la victoire de la révolution socialiste sur lensemble du continent nord-américain. Lavenir de la classe ouvrière québécoise par conséquent se trouve dans une lutte commune avec les travailleurs immigrés, anglo-canadiens et américains contre loppression capitaliste, et non de sidentifier à leurs « propres » souverains sur le plan linguistique et culturel. La volonté exprimée par le camarade Elliott de vouloir « diriger le mouvement national en le plaçant sous le drapeau du socialisme » nest pas un raccourci à la révolution sociale, comme il imagine si affectueusement, mais est, comme démontre lexpérience vivante du mouvement ouvrier au Québec de dernières décennies, une trajectoire renforçant la subordination du prolétariat à la bourgeoisie nationale. Lémancipation sociale du prolétariat québécois commence par sa reconnaissance que les propriétaires de Québec Inc. sont ses ennemis de classe, et non ses alliés nationalistes. Marc D. * * * Notes supplémentaires du rédacteur: 1 Bourgault, idéologue nationaliste « de gauche » dautrefois et fondateur du défunt Rassemblement pour lindépendance nationale (R.I.N.) a récemment été obligé de laisser ses fonctions de conseiller spécial au Premier ministre Parizeau pour son discours inflammatoire anti-immigré. Bourgault a menacé les immigrés, censés être « racistes » pour leurs sympathies fédéralistes, de représailles advenant un échec référendaire du projet souverainiste. Tel est le calibre de militant nationaliste « conséquent » recherché comme allié politique dautrefois par la LSO. 2 Les ultra-nationalistes contestent le droit des immigrés de participer dans la vie politique, sociale et culturelle au Québec, quil sagit du défilé St. Jean Baptiste ou du vote référendaire. Les militants nationalistes « conséquents » contestent le droit des immigrés de participer à la « démocratie » québécoise, car leurs sympathies politiques sont suspectes. La Société St. Jean Baptiste, chef de file dans la lutte contre les hidjabs dans les écoles publiques au Québec et défenseur acharné des valeurs québécoises chrétiennes, interdit toutefois la participation de minorités culturelles, habillées autrement que selon la stricte règle du folklore québécois, dans le défilé St. Jean Baptiste du 24 juin. A quoi y penser pour les organisations « trotskystes » en France, telle Lutte Ouvrière, dont le discours anti-hidjab semble recouper sur plusieurs points celui de la SSJB. 3 La campagne chauvine pour lunilinguisme français, non simplement défendue mais en large mesure organisée et propulsée par les organisations soi-disant « trotskystes » au Québec, a eu pour résultat de renforcer la fixation ethno-nationaliste du mouvement ouvrier québécois, et daggraver davantage les tensions linguistiques et culturelles déjà existantes. Cette perspective, opposée à la nôtre, est toujours celle de la bureaucratie syndicale nationaliste. 4 Il est évident que lintervention de larmée canadienne nétait pas limitée à Montréal et la répression a frappé partout ailleurs au Québec. Montréal était, par contre, le théâtre principal de lactivité et de la gauche, et des forces répressives. Je me rappelle néanmoins de lintervention des forces militaires/policières à Hull et de larrestation en plein jour de nombreux étudiants au CEGEP de Hull. Cest dailleurs en protestation contre ces arrestations arbitraires par lÉtat fédéral que jai commencé à militer dans lorganisation de jeunesse de la LSO. 5 Tout dernièrement lautre centrale syndicale au Québec, la CSN, prévoit également lancé son propre « fonds de solidarité » pour promouvoir linvestissement dans les compagnies québécoises, autrement dit de promouvoir le développement du capitalisme québécois. Malgré loptimisme révolutionnaire naïf du camarade Elliott, il est évident que le « projet de société » souverainiste défendu par les syndicats québécois est celui de Québec Inc., et non dun Québec socialiste. 6 Ceci fut le cas à lusine Cascades à Trois Rivières où les militants syndicaux ont été licenciés sous prétexte dêtre « pourris et dangereux » par Bernard Lemaire, bon patron québécois. On est loin des supposés trusts anglo-américains tout puissants qui exploitent le peuple québécois propre à la propagande nationaliste et à la propagande dautrefois de la LSO. Toute analyse de la société québécoise, analyse concrète dune situation concrète comme dirait Lénine, doit partir du poids social et économique réel de la bourgeoisie québécoise. |